France

La justice a-t-elle protégé l'informateur d'extrême droite qui avait vendu des armes à Coulibaly ?

D'après Mediapart, la justice lilloise disposait d'éléments prouvant le lien indirect entre Claude Hermant et Amedy Coulibaly dès janvier 2015. Elle n'aurait transmis ceux-ci au juge antiterroriste qu'en juin de la même année.

Selon un article du 12 mars publié par Mediapart, la justice aurait cherché à masquer le rôle d'un informateur de gendarmerie dans l'enquête sur Amedy Coulibaly, l'auteur du meurtre d'une policière le 8 janvier 2015 puis de l'attentat de l'Hyper Cacher le 9 janvier. 

Ce sont, dans un premier temps, la brigade criminelle et la sous-direction antiterroriste lilloises qui auraient volontairement omis, dans un rapport transmis au parquet et daté du 20 janvier 2015, de mentionner des éléments cruciaux. Ce jour-là, la PJ de Lille venait d'arrêter Claude Hermant, un de ses informateurs décrit comme «une figure de l’extrême droite identitaire lilloise», ainsi que sa compagne, propriétaire de l'armurerie, Seth-Outdoor. Claude Hermant expliquait alors avoir «pris conscience» que «les armes citées» après les attentats de Paris pourraient être celles qu'il avait «été amené à fournir» à un jeune voyou dénommé Samir, «à l’occasion d’opérations d’infiltrations pour le compte de la gendarmerie».

A ce moment des interrogatoires, les enquêteurs savaient pourtant, grâce aux signalements transmis par Interpol, quelles étaient les armes employées par Amedy Coulibaly... et auraient donc dû clairement constater dans leur rapport le lien avec l'attentat de Paris. Le dénommé Samir, qui est suspecté d'avoir servi d'intermédiaire entre Claude Hermant et Amedy Coulibaly, n'a d'ailleurs été interrogé et mis en examen par la PJ lilloise que quatre mois plus tard.

Il faudra attendre jusqu'au 22 juin 2015 pour que Nathalie Poux, juge antiterroriste, parvienne à établir le lien entre les armes utilisées par Amedy Coulibaly et la société Seth-Outdoor – une information pourtant déjà établie depuis plus de cinq mois à Lille.

Contraint de transmettre les éléments dont il disposait à la magistrate, le juge lillois en charge de l'affaire lui a donc fait parvenir les interrogatoires réalisés jusque-là. Dans un document joint, il précise néanmoins que «l'interpellation fortuite de l'indicateur et de sa femme a été rendue possible par le service des douanes». Or, Mediapart souligne que la presse locale se faisait écho, dès janvier 2015, du lien entre un trafic d'armes dans la région et les attentats – discréditant ainsi l'hypothèse d'un pur hasard que semble vouloir étayer le juge lillois.

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