France

Un meeting pro-Erdogan organisé en France soulève la colère de LR, du FN, d'EELV et de Macron

Après avoir été interdit dans plusieurs pays européens, un meeting du chef de la diplomatie turque a été organisé à Metz. Un événement décrié par la plupart des grands partis français – à l'exception des socialistes.

François Fillon a accusé le président de la République, François Hollande, de rompre «de manière flagrante la solidarité européenne», en autorisant l'organisation à Metz d'un meeting électoral en présence du chef de la diplomatie turque, a rapporté l'AFP. «Il est évident qu'une position commune aurait dû prévaloir pour gérer les demandes turques. Le gouvernement français aurait dû empêcher la tenue de ce meeting», a déclaré dans un communiqué le candidat de la droite à l'élection présidentielle.

Le meeting en question s'est tenu dans l'après-midi du 12 mars au Centre des congrès de Metz Métropole, et visait à promouvoir auprès de la diaspora turque en France une réforme constitutionnelle portée par le président turc Recep Tayyip Erdogan. 

«Nos compatriotes ne nous ont pas laissé seuls, à Metz. Ceux qui n'ont pas pu trouver de place à l'intérieur, se sont joints à nous à l'extérieur du hall», a rapporté le ministre des Affaires étrangères turc, Mevlut Çavusoglu, dans un tweet à l'issue du meeting.

Alors qu'une série de meetings pro-Erdogan ont déjà été interdits en Autriche, en Suisse, aux Pays-Bas ou encore en Allemagne, la France a choisi de ne pas emboîter le pas à ses partenaires européens. «Nous avons pour mission de nous assurer qu'il n'y a pas de menaces à l'ordre public. Il n'y en a pas», avait déclaré à Reuters le secrétaire général de la préfecture de Moselle, Alain Carton. Des effectifs de police et de gendarmerie devaient être mobilisés «afin d'assurer la sécurité des lieux», avait-il ajouté.

En pleine campagne électorale en faveur de la réforme constitutionnelle soumise à référendum du 16 avril prochain, le gouvernement du président Recep Tayyip Erdogan accorde une importance particulière au vote des millions de Turcs établis en Europe et multiplie les interventions dans les pays européens. Néanmoins, plusieurs meetings similaires ont déjà été interdits, notamment en Suisse, en Autriche, aux Pays-Bas et en Allemagne.

La droite vent debout contre le meeting turc...

François Fillon n'est pas le seul homme politique, en France, à s'être indigné de la participation du membre du gouvernement truc à un meeting dans l'Hexagone. A droite toujours, le sénateur Les Républicains (LR) Roger Karoutchi a demandé des explications au gouvernement socialiste.

Allant plus loin, le député et président des Alpes-Maritimes Eric Ciotti a accusé le gouvernement de se faire le complice d’un «dictateur».

Des propos similaires à ceux tweetés par l'ex-porte-parole des Républicains, Lydia Guirous.

Le député (LR) des Yvelines Henri Guaino, quant à lui, a jugé, selon l'AFP, que «la solidarité européenne voudrait que tous les pays européens, à commencer par la France, élèvent une protestation scandalisée auprès du gouvernement turc». Similairement, pour son collègue Pierre Lellouche, qui a publié un communiqué sur cette affaire, «ce manque de solidarité des démocraties européennes n'est pas à l'honneur du gouvernement socialiste».

De même, hors du camp LR, le leader de Debout la France (DLF) Nicolas Dupont-Aignan, également candidat à la présidentielle, a regretté que le gouvernement se soit «couché» devant les exigences turques, a rapporté l'AFP.

... de même que le FN

«Pourquoi devrait-on tolérer sur notre sol des propos que d'autres démocraties refusent ? Pas de campagne électorale turque en France», a tweeté la présidente du Front national (FN), Marine Le Pen.

Rappelant un discours du président Erdogan au zénith de Strasbourg il y a deux ans, le vice-président duFN, Florian Philippot a jugé «irresponsable» la tenue de cet événement.

Toujours du côté du FN, le secrétaire général du parti Nicolas Bay a dénoncé la lâcheté des dirigeants français, qui tolèrent selon lui la propagation d’un islamisme turc en France.

Macron et EELV également indignés

La tenue du meeting turc n'a pas gêné que la droite et le FN : dans un communiqué, Europe Écologie–Les Verts (EELV) a dénoncé un rassemblement «qui rend la France témoin et caution du grave glissement autoritaire que connaît la Turquie actuellement».

«Notre pays ne doit accepter sur son sol aucun dérapage ni aucune attaque contre notre démocratie, nos alliés, nos valeurs», a en outre écrit Emmanuel Macron (En Marche !) dans un communiqué. Le dirigeant d'En Marche ! a en outre regretté que l'Union européenne (UE) n'ait pas réagi de manière unie.

Les socialistes défendent la non-interdiction du meeting

Le gouvernement a toutefois trouvé un soutien en la personne du premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Jean-Christophe Cambadélis, qui a estimé que les déclarations de François Fillon sur le meeting turc visaient à détourner l’attention médiatique des affaires affectant sa campagne.

En déplacement en Guadeloupe, le candidat du PS à la présidentielle, Benoît Hamon, a quant à lui considéré qu’il n’était pas du rôle de la France d’interdire un débat politique turc, en dépit des désaccords politiques entre Paris et Ankara. «J'appartiens à cette tradition où même si je suis en désaccord total avec la manière dont aujourd'hui la Turquie d'Erdogan veut réduire les libertés», a-t-il déclaré, selon l'AFP. «[Mais] il faut que la Turquie revienne à la raison. Quand l'Allemagne ou les Pays-Bas décident de ne pas autoriser qu'un débat s'organise, la comparaison avec les nazis est tout sauf justifiée», a précisé le vainqueur de la primaire de la gauche.

Enfin, le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Marc Ayrault, a invité les autorités turques à éviter «les excès et les provocations». «Dans ces circonstances, il est indispensable de faire preuve de responsabilité et d’éviter les polémiques inutiles», a écrit le chef de la diplomatie française, cité par l’AFP.

Des meetings interdits en Allemagne et aux Pays-Bas notamment

Le ton s'est durci entre Ankara et plusieurs pays européens après différentes annulations de réunions publiques. Le 11 mars, l'avion de Mevlüt Cavusoglu a été interdit d’atterrissage sur le sol des Pays-Bas après que le ministre avait menacé d’imposer des sanctions sur le gouvernement néerlandais s’il ne lui permettait pas d'organiser un rassemblement pro-Erdogan à Rotterdam. Le même jour, en pleine crise diplomatique, Amsterdam a expulsé vers l'Allemagne la ministre turque de la Famille pour les mêmes raisons – celle-ci avait pourtant été prévenue à l'avance qu'elle n'était pas la bienvenue aux Pays-Bas.

Des meetings du même genre ont également été interdits en Allemagne. Le président turc Recep Tayyip Erdogan avait alors assimilé à des «pratiques nazies» l'annulation des ces rassemblements durant lesquels devaient s'exprimer certains de ses ministres, faisant encore monter d'un cran les tensions entre les deux pays. Ankara ne cesse de répéter que l’annulation de ces événements viole les droits des ministres qui doivent y participer. «Vous nous faites des leçons de démocratie, puis vous empêchez les ministres de notre pays de s'exprimer chez vous», avait déclaré le chef de l'Etat turc Recep Tayyip Erdogan, le 5 mars.

Le projet de réforme constitutionnelle turque a pour objectif, selon ses promoteurs, de renforcer la stabilité et la modernité des institutions. Elle prévoit notamment la synchronisation des élections législatives et présidentielles, l'allongement des mandats présidentiel et parlementaires de quatre à cinq ans et la dissolution des tribunaux militaires. Ses opposants redoutent qu'elle n'accentue en réalité la présidentialisation du régime.

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