Derrière le bras de fer médiatique que se livrent partisans et adversaires de François Fillon au sein des Républicains (LR) demeure la question juridique. Et sur ce point, les statuts du parti sont formels : personne n'a le pouvoir d'ôter au candidat son investiture, si ce n'est le candidat lui-même.
L'article 38 des statuts du parti mentionne que «le candidat à la présidence de la République soutenu par le Mouvement est désigné à l’occasion d’une primaire». Autrement dit, aucun autre mode de désignation d'un candidat n'est prévu par le texte. Plus avantageux encore pour François Fillon : aucun recours n'a été mis en place dans l'éventualité d'un conflit entre le candidat désigné et son parti.
Reste bien sûr, dans l'hypothèse où François Fillon ne voudrait absolument pas renoncer, l'option d'une candidature concurrente à la sienne et soutenue par LR. Possible en théorie, elle le serait bien moins dans les faits, car la désignation d'un plan B passerait alors par une procédure engagée par un parti dont le président de facto n'est autre que... François Fillon lui-même – le poste étant vacant depuis la primaire de novembre 2016.
L'argent de la primaire revient légalement à Fillon, pas à son parti
Mais la véritable force de François Fillon réside dans le quatrième alinéa de l'article 7 de la Charte de la primaire des Républicains : celui-ci établit que le montant récolté lors de la primaire de novembre 2016 est «affecté au compte de campagne du candidat désigné à l’issue de la primaire de la droite et du centre en vue de l’élection à la présidence de la République de 2017». Il s'agit d'une somme non négligeable estimée à environ 9 millions d'euros (17 millions de recettes dont sont retranchées les dépenses d'organisation).
Qu'est-ce que cela signifie très concrètement ? Tout simplement que les 9 millions récoltés par l'association d'organisation de la primaire, d'ailleurs dissoute depuis, sont destinés à Force républicaine, le micro-parti de François Fillon. Sur les 9 millions, Vincent Chriqui, nouveau directeur de campagne du candidat, a confirmé à L'Express qu'environ 6 millions avaient déjà été crédités. Il n'existe donc, pour LR, aucun moyen de récupérer cet argent, ni de le réclamer par un quelconque recours judiciaire – au contraire, le parti «doit» encore 3 millions à son candidat.
Par ailleurs, les dons effectués par des particuliers tout au long de la campagne pour soutenir François Fillon, notamment sur internet, ont tous été adressés, en conformité avec la loi, à Force républicaine et non pas à LR. Si le montant des dons n'est pas connu, il s'agit incontestablement d'un autre avantage pécunier de poids dont peut se prévaloir le candidat.
Les atouts juridiques et financiers dont il dispose ne suffiront certes pas à François Fillon pour imposer sa légitimité aux frondeurs de son parti, mais ils compliqueront considérablement la tâche de ces derniers. Seul un consentement du candidat permettrait son remplacement. L'affrontement se jouera donc sur le terrain politique, c'est à dire au cours de négociations entre François Fillon et les cadres des Républicains souhaitant son retrait. Or, pour ces derniers, la marge de manœuvre se trouve considérablement restreinte depuis qu'Alain Juppé a annoncé, le 6 mars, qu'il refusait de devenir le plan B qu'ils pouvaient espérer. Dernière option envisageable : une défection franche et massive d'une majorité de cadres du parti, qui priverait François Fillon des moyens concrets de mener à bien sa campagne.