Une photo circule sur les réseaux sociaux : le directeur de L'Express Christophe Barbier, en mars 2016, flanc contre flanc avec Emmanuel Macron et la compagne de ce dernier, Brigitte Trogneux. Tout sourire. Pourquoi les utilisateurs qui relaient cette photo y voient-ils plus que les habituelles mondanités du microcosme parisien ? Pourquoi le ministre de l'Economie de François Hollande a-t-il tenu à honorer de sa présence le lancement d'une nouvelle formule de l'hebdomadaire ?
Quelques éléments de réponse, pris dans médias mainstream eux-mêmes, permettent de retracer les liens qui vont d'Emmanuel Macron à SFR Presse, groupe propriétaire, entre autres de Libération, L'Express et BFM TV. Si l'on ne se perd pas en chemin dans les organigrammes.
Eté 2016, Christophe Barbier choisit le camp BFM TV
Commençons par Christophe Barbier, dont les internautes relèvent l'intimité avec Emmanuel Macron. Dès juillet 2016, Christophe Barbier ne cache plus son enthousiasme.
Prenant pour tribune L'Express, le magazine qu'il dirige, l'éditorialiste qualifie l'«aventure Emmanuel Macron» de «passionnante» : «Cet homme était inconnu des Français en 2014. S'il est élu président de la République en 2017, ce sera un phénomène quasi révolutionnaire comme la France n'en a pas connu depuis le surgissement d'Adolphe Thiers en 1840 ou celui de Napoléon Bonaparte», affirme l'habitué des plateaux de télévision qui a misé sur une écharpe rouge en toutes circonstances comme stratégie de marketing.
Clarifiant d'ailleurs sa position durant le mercato audiovisuel de l'été 2016, Christophe Barbier quitte, logiquement, iTélé pour rejoindre les équipes de BFM TV, juste à temps pour aborder la séquence de l'élection présidentielle. Et passant ainsi de la télé de Vincent Bolloré à celle d'un autre milliardaire : Patrick Drahi.
«Ce transfert est moins étonnant quand on sait que L'Express appartient à SFR Presse et que BFM TV appartient au groupe NextRadioTV, détenu à 49% par SFR Radio TV», commente en juillet 2016 le Huffington Post, publication appartenant à un autre mastodonte médiatique dont fait partie le quotidien Le Monde.
SFR Presse est une des filiales de SFR Group, elle-même contrôlée par le consortium Altice, dont un certain Patrick Drahi est le président-fondateur. Plutôt discret, homme d'affaire avisé, ce dernier émerge, comme Emmanuel Macron, en 2014 dans les médias, mais plutôt dans les pages économie et finance.
«Qui est Patrick Drahi, le sulfureux patron de Numericable ?»
L'entrepreneur franco-maroco-israélien réside en Suisse, détaille Wikipedia, sourçant d'ailleurs l'information dans un autre article du Huffington Post. Dans un article de mars 2014 titré Qui est Patrick Drahi, le sulfureux patron de Numericable ?, le «Huff Post» lâche ses coups et évoque la «face sombre du tycoon» relevant que, bien que «résidant en Suisse», il avait «renoncé à la nationalité française» : «Derrière les dizaines de sociétés qu'il possède, Patrick Drahi a mis en place une structure performante pour diriger. Son nom : Altice, une holding de droit luxembourgeois, cotée à la Bourse d'Amsterdam (oui, on voyage beaucoup avec Patrick Drahi) et dont il détient 75%. Cette participation ultra-majoritaire est supportée par sa propre holding, elle-même hébergée à Guernesey. Moins connu que Jersey, c'est un paradis fiscal situé dans les îles anglo-normandes britanniques».
Patrick Drahi, obligé d'Emmanuel Macron ?
Début 2014, Emmanuel Macron n'est encore que secrétaire général adjoint de l'Elysée. Inspirateur des premières mesures économiques de François Hollande, à qui il a été présenté par Jacques Attali. Lequel, à ses heures, et entre deux ouvrages, se trouve être également un des éditorialistes... de L'Express. Alors que Martin Bouygues et Patrick Drahi s'affrontent pour le rachat du groupe SFR, Emmanuel Macron joue alors un rôle décisif.
L'Elysée ne s'opposera pas à la vente par le géant Vivendi de SFR, comme le rapporte Les Echosdans un article de mars 2014, à Numericable, rampe de lancement de l'empire de Patrick Drahi, depuis qu'il en a fait l'acquisition en 2002.
Un certain Bernard Mourad
Reste alors au magnat des médias à financer son acquisition, et pour ce faire, il fait appel à la banque Morgan Stanley et à un certain Bernard Mourad. Ce dernier est ensuite nommé directeur d'Altice Media Group, rebaptisé par la suite SFR Presse. En octobre 2016, c'est le magazine Challenges qui sort le premier une info : «Bernard Mourad quitte Altice [Media Group] pour rejoindre l'équipe d'Emmanuel Macron». Le Monde reprend l'information et titre : «Bernard Mourad, ancien banquier de Patrick Drahi, rejoint Emmanuel Macron». Et Christophe Barbier... SFR Presse.
Alexandre Keller