Souquez ferme ! Le navire – ou l'esquif – de la «Belle Alliance» entre dans la phase la plus critique de son voyage.
Entre ceux qui dissimulent de moins en moins leur intention de se rallier à Emmanuel Macron et la ligne agressive de Manuel Valls contre son rival Benoît Hamon, la primaire de la gauche ressemble à un champ de bataille en perpétuelle reconfiguration. Ou bien – on pourra choisir la métaphore que l'on voudra – à une machine dont les tôles commencent à vibrer dangereusement et dont les boulons se desserrent.
Blitzkrieg comme promis
Il faudra attendre les résultats du second tour pour en juger l'efficacité, mais Manuel Valls s'est décidé pour une guerre totale contre le policé Benoît Hamon. Fini le «rassemblement» de la gauche, l'ex-Premier ministre candidat a de nouveau basculé en mode «gauches irréconciliables» et envoyé ses seconds couteaux à l'attaque. «Très bien, ça va saigner», déclarait Christophe Caresche, député socialiste et soutien de Manuel Valls, dès le soir du premier tour de la primaire.
Benoît Hamon, «anti-républicain», pilonné
Malek Boutih a porté la première frappe contre le pourtant très «multi-culturaliste» et pro-immigration Benoît Hamon l'accusant d'être dans une «dérive identitaire», tandis que Manuel Valls lui reprochait de présenter des «risques d'accomodement» avec l'islamisme. Mais la guerre totale ne s'arrête pas là, se posant en candidat du «réalisme» et de la «gauche de gouvernement», Manuel Valls s'attaque aussi au «revenu universel», qualifié d'utopique.
Plainte de l'équipe de Benoît Hamon
Une tenaille rhétorique sans doute destinée à destabiliser Benoît Hamon et qui a amené son équipe de campagne à se plaindre du «climat» de l'entre-deux tours auprès de Jean-Christophe Cambadélis, l'exhortant à rétablir un «climat serein».
Jean-Christophe Cambadélis appelle à l'«apaisement»
Une requête qui a obligé Jean-Christophe Cambadélis à réagir alors qu'il se perdait en conjectures sur les causes de la tempête et dissertait sur le traitement médiatique des incidents de la primaire, au risque de s'empêtrer dans une rhétorique inversatoire.
Intervenant dans la cour de récré pour séparer les deux candidats, le premier secrétaire général du Parti socialiste les a exhorté à plus de modération. «L'unité est notre bien. Benoît tu as déclaré que tu ne te trompais pas d'ennemis», François Fillon et Marine Le Pen, a-t-il fait valoir, rappelant ensuite à «Manuel» qu'il avait déclaré ne pas avoir d'ennemis dans sa famille politique.
Un rappel pas si inutile, surtout pour Manuel Valls, alors que pour Jean-Christophe Cambadélis, le véritable danger serait le «national populisme» et que «ce qui est en jeu, ce n'est pas seulement le Parti socialiste». «C'est la gauche que l'on veut fractionner», ajoute-t-il, sans identifier le «on». Car les socialistes ne semble pas avoir besoin d'aide extérieure pour se désunir.
Clap de fin pour les ultimes hollandistes
Il faisait partie du dernier carré, se tenant prêt à porter une candidature de François Hollande. Mais, de guerre lasse, Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, se rallie pour sa part sans grande conviction à Manuel Valls, et encore, faut-il lire entre les lignes. «Au premier tour, je l'avais dit, je n'ai voté ni Hamon, ni Montebourg, et au deuxième tour, je ne voterai pas Hamon non plus», a-t-il déclaré sur France Info. Avant de se laisser toute option : «Je voterai pour la gauche qui est capable de passer au second tour.»
Ségolène Royal déjà ailleurs
Non seulement Ségolène Royal ne votera pas le 29 janvier, en raison de sa participation à un sommet en Afrique, mais elle préfère attendre le résultat de la primaire pour se prononcer.
«Moi, ce que je soutiendrai, c'est le rassemblement», a-t-elle déclaré sur BFMTV ce 25 janvier, avant de préciser : «En tout cas, il faut se réunir et se dire : comment fait-on pour assurer la présence de la gauche au second tour de l'élection présidentielle ?» Avec des sondages calamiteux qui donnent Manuel Valls comme Benoît Hamon en dessous des 10 % au premier tour de l'élection présidentielle, il y a peu de risque à en déduire que Ségolène Royal pourrait bien officialiser son ralliement à Emmanuel Macron.
Martine Aubry, gardienne (des restes) du temple
Pendant ce temps, les «aubryistes», se chargent d'évaluer la compatiblité de chacun des deux candidats restant en lice avec la ligne historique du vieux parti socialiste. Sans aller jusqu'au Front populaire ou le congrès de Tours de 1920, pour Martine Aubry, c'est Benoît Hamon qui paraît le plus à même de «rassembler les gauches que nous n'avons jamais cru irréconciliables». On notera la pique à l'endroit de Manuel Valls.
François Hollande vraiment très loin
Et, pour couronner le tout, François Hollande s'ingénie à montrer à quel point le parti qui l'a porté au pouvoir et qu'il laisse en ruine ne l'intéresse plus. Après avoir été voir une pièce de théâtre lors du premier débat de la primaire, puis fait une promenade dans le désert de l'Atacama pendant le scrutin du premier tour, quel sera l'emploi du temps du président sortant ce soir ? Après une cérémonie de décorations individuelles commençant à 19h, l'agenda de l'Elysée n'indique... rien.
Alexandre Keller
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