France

Primaire à gauche : Manuel Valls essaie de convaincre qu'il a «changé»

Manuel Valls, après un faux départ, revient à la charge, avec un nouvel angle d'attaque : une République «forte». Entre changement et continuité, la ligne de crête qu'a choisie le candidat ex-Premier ministre est mince, au risque de se contredire.

On efface tout et on recommence. Manuel Valls candidat de la primaire à gauche n'est pas le même que Valls Manuel, le Premier ministre théoricien des «gauches irréconciliables» à l'adresse de Jean-Luc Mélenchon entre autres et des «deux attitudes possibles [...] fuir ou assumer les responsabilités», pique à l'adresse, plus précisément, des frondeurs du Parti socialiste, dont Benoît Hamon.

«En 5-6ans, vous avez changé, la société française aussi, moi aussi», a ainsi déclaré Manuel Valls selon Le Parisien, après un meeting à la Maison de la Chimie, à Paris, ce 3 janvier 2017. Pour l'occasion, Manuel Valls a mis l'accent sur l'autorité, «Une République forte», plutôt que sur le «rassemblement», stratégie qui lui avait valu quelques déconvenues en début de campagne.

Changement de slogan, changement de ton

Début décembre 2016, l'ex-Premier ministre candidat a été pris par un timing des plus serrés. En raison du renoncement tardif de François Hollande, celui-ci ayant attendu jusqu'au dernier moment une «divine surprise» et une fenêtre de tir opportune en vain. Manuel Valls a ainsi dû quitter le costume de Premier ministre trop vite pour enfiler celui du candidat. Quelques couacs étaient donc inévitables, faute d'avoir respecté un temps de latence propice à l'amnésie des observateurs.

C'est ainsi que Manuel Valls a fait un premier faux-pas en se posant en défenseur de la démocratie parlementaire et en adversaire de l'article 49.3, après l'avoir utilisé pas moins de six fois, afin de passer outre la représentation nationale. Un «changement» trop rapide et trop visible, pour échapper aux commentateurs, y compris les médias institutionnels.

Une campagne «Blitzkrieg» ? 

Aussi, Manuel Valls a-t-il mis à profit la trêve de Noël pour faire tenter de faire oublier le faux départ de décembre 2016. «J'ai conseillé à Manuel Valls de lever un peu le pied tant que les Français ont l'esprit dans la dinde et les marrons», expliquait au Figaro Philippe Doucet, député socialiste porte-parole du candidat Valls, d'ailleurs visé par le parquet national financier pour des irrégularités comme maire d'Argenteuil.

Mais le problème, c'est ce calendrier, toujours aussi serré : les candidats de la primaire à gauche n'ont que trois petites semaines pour faire la différence. Les temps de diète médiatique ne peuvent durer, surtout si l'on aborde la campagne comme une «Blitzkrieg» (la guerre éclair décidée par Adolf Hitler en 1939), selon les termes de Luc Carvounas, sénateur proche de Manuel Valls.

Limites de la dialectique

Le 7 décembre 2016, en meeting dans le Doubs, Manuel Valls se défendait d'avoir «changé» : «On me dit : "vous avez changé". Non, j'ai toujours voulu rassembler, dans la clarté. Je suis au centre même de ce qu'est la gauche».

Rassembler après avoir clivé et fait marcher sa majorité à la baguette, changer et regarder vers «l'avenir» tout en assumant son action comme Premier ministre de François Hollande : Manuel Valls, donné comme le mieux placé de la primaire à gauche par les sondages mais loin derrière Emmanuel Macron, devra jouer finement jusqu'au 22 janvier 2017, date du premier tour de la primaire. 

Alexandre Keller

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