«Personne ne veut que tu rentres en France. Ils ont trop peur que tu… parles ! […] Tu vas demander à Sarkozy s’il est pressé que tu rentres ! […] Il préfère que tu sois pas en France… que t’ailles pas voir le juge». Les propos, formulés par le député (LR) proche de Nicolas Sarkozy Alain Marsaud à l’homme d’affaires Alexandre Djouhri, sont tirés d’une conversation téléphonique interceptée par la police en 2015, dans le cadre de l'enquête sur l'éventuel financement illégal par la Libye de la campagne présidentielle du candidat UMP de 2007. Mediapart, site créé par Edwy Plenel à l'origine de la révélation de différentes affaires politiques, a pu avoir accès à ces conversations et en a divulgué certains extraits le 29 novembre 2015.
Le site d'investigation rappelle que les enquêteurs sur le dossier libyen souhaiteraient vivement s'entretenir avec Alexandre Djouhri, qu’ils considèrent comme une potentiel élément clé dans cette affaire. Celui-ci, entre autres, a en effet permis en mai 2012 la fuite de France de l’ex-directeur de cabinet de Mouammar Kadhafi, Béchir Saleh, avec le concours des services secrets français. Or, convoqué en septembre 2016 par les juges anticorruption au sujet de l'éventuel financement libyen, Alexandre Djouhri a refusé de se présenter au palais de justice de Paris.
Je me pose au Bourget, là y a zéro problème, je rentre pas dans Paris
Plus globalement, l'homme d'affaires, qui vit actuellement en Suisse, semble prendre un soin extrême à ne pas se rendre en France (dont il a la nationalité) depuis la mise en examen en mars 2015 du bras droit de Nicolas Sarkoy, Claude Guéant, dans l’enquête ouverte sur les soupçons de financement libyens. Dans l’un de ses entretiens téléphoniques avec Alain Marsaud cité par Mediapart, Alexandre Djouhri confie ainsi ses craintes à l’idée de rester trop longtemps sur le sol français – et en particulier dans la capitale –, à l’occasion du Salon international de l’aéronautique du Bourget de juin 2015 : «Je t’explique, moi, je me pose au Bourget, là y a zéro problème, je rentre pas dans Paris. Je ne dors pas là-bas et ensuite je redécolle». L’enquête judiciaire, note le site d’investigation, ne précise pas si l'individu que la justice souhaite entendre a effectivement fait un saut au Bourget.
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Multiplication de témoignages troublants sur le dossier libyen
Depuis la rentrée, plusieurs révélations médiatiques sont venu renforcer les accusations pesant sur Nicolas Sarkozy dans cette affaire. Début novembre, le magazine Marianne avait mis la main sur un témoignage recueilli sous X par le juge Serge Tournaire, qui énumère les intermédiaires ayant pu être utilisés par l'Etat libyen pour financer la campagne présidentielle du candidat UMP.
En septembre, c'est Mediapart qui avait révélé l'existence d'un carnet ayant appartenu à un dignitaire libyen, dans lequel les versements à l'ex-président auraient été consignés.
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