La plus haute autorité administrative a jugé que «dans les bâtiments publics, sièges d'une collectivité publique ou d'un service public, une crèche de Noël ne peut pas être installée, sauf si des circonstances particulières montrent que cette installation présente un caractère culturel, artistique ou festif».
Elle appelle également à vérifier si une telle installation répond ou non à un «usage local».
La mise en place d'une crèche de Noël ne peut en aucun cas signifier «la reconnaissance d'un culte ou une préférence religieuse», a par ailleurs averti le Conseil d'Etat.
Il a aussi fait une distinction entre l'intérieur des bâtiments publics et les autres «emplacements publics» tels que les marchés, où selon lui, installer des santons est a priori légal, à condition d'éviter toute manifestation religieuse contraire à la neutralité s'imposant aux pouvoirs publics.
Comme le demandait à l'audience du 21 octobre le rapporteur public, le Conseil d'Etat a donc choisi une voie médiane entre une application pure et dure du principe de laïcité de l'Etat et une tolérance tous azimuts.
Il laisse une importante marge de manœuvre aux collectivités locales, mais donne aussi toute latitude aux juridictions administratives locales pour sanctionner des dérives.
Le juge administratif suprême, qui avait pour l'occasion réuni sa formation la plus solennelle, l'assemblée du contentieux, base son raisonnement sur le constat suivant.
De son point de vue, une crèche a plusieurs significations : «Elle présente un caractère religieux, mais elle est aussi un élément des décorations et illustrations qui accompagnent traditionnellement les fêtes de fin d'année, sans signification religieuse particulière.» Comme un sapin ou des guirlandes, par exemple.
Réactions positives
Sur le plan du droit pur, le Conseil d'Etat a cassé les deux arrêts de cours administratives d'appel dont il avait été saisi et qui étaient contradictoires.
Il y avait d'une part celui de la cour de Paris, qui avait interdit l'installation d'une crèche de la Nativité à la mairie de Melun (Seine-et-Marne); et d'autre part celui de la cour de Nantes, qui autorisait au contraire la même chose dans les locaux du Conseil général de Vendée.
Dans le premier cas, la cour administrative d'appel de Paris a eu une interprétation excessive du principe de neutralité religieuse, selon le Conseil d'Etat.
Mais il a tout de même confirmé l'interdiction de la crèche de Noël, faisant valoir que les critères énoncés le 9 novembre n'étaient pas remplis à Melun, à savoir, pas d'«usage local», pas non plus d'«environnement artistique, culturel ou festif».
La cour de Nantes devra elle revoir sa copie en tenant compte des conditions qui viennent d'être édictées, a précisé le Conseil.
Bruno Retailleau, sénateur Les Républicains et ex-président du conseil général de Vendée, a salué dans un communiqué «une décision de sagesse et de bon sens» qui «clôt un mauvais débat».
La décision du Conseil d'Etat a aussi été saluée sur Twitter par des élus aux positions tranchées, tels que le maire front national (FN) de Fréjus, David Rachline, ou celui de Béziers, Robert Ménard.
Mais Laurent Tribouillard, président de la Fédération des libres penseurs du Val-de-Marne, qui avait attaqué la crèche de Melun, a lui aussi fait part à l'AFP d'un «sentiment de satisfaction».
Selon lui, si le Conseil d'Etat n'a pas prononcé d'interdiction totale, il a néanmoins «donné le la» en énonçant des critères stricts et en maintenant l'interdiction d'une crèche dans la mairie de Melun.
La Conférence des évêques de France a annoncé dans un communiqué très neutre «prendre note de la décision». «Les défis à affronter par notre société dépassent largement la question de la présence des crèches dans les bâtiments publics. Il s'agit de permettre à tous, croyants et non-croyants, de pouvoir affirmer leurs convictions pour construire ensemble une société où chacun est respecté», a-t-elle commenté.