Le feuilleton judiciaire sur l'éventuel financement libyen de la campagne présidentielle de l'ex-président de la République se poursuit : cette fois, c'est le magazine Marianne qui est à l'origine d'une nouvelle révélation. Il s'agit d'un témoignage recueilli sous X par Serge Tournaire, dans le cadre du dossier d'instruction visant l'équipe de Nicolas Sarkozy de l'élection 2007.
L'ambassadeur était autorisé à remettre de l'argent à telle ou telle personne sans recevoir en échange une signature
Le 13 mars 2014, un témoin anonyme a décrit aux magistrats les différentes méthodes qu'utilisait selon lui l'Etat libyen pour faire transiter de l'argent dans l'Hexagone : deux banques, la banque intérieur Arabe (BIA) du 8e arrondissement de Paris et la banque UBAF de Neuilly (dont le directeur était un ressortissant libyen), «étaient utilisées pour transférer de l'argent liquide à l'ambassade de Libye en France [qui y possédait des comptes] : l'ambassadeur était autorisé à remettre de l'argent à telle ou telle personne sans recevoir en échange une signature». Ces transferts, poursuit la source, étaient néanmoins consignés dans les registres comptables de l'ambassade libyenne, avec pour mention... «volet politique». L'identité des personnes recevant des sommes en liquide, ajoute le témoin, n'était quant à elle inscrite nulle part, garantissant une totale confidentialité.
Pour réaliser ces transferts, la personne citée par Marianne évoque deux «intermédiaires» potentiels : H'med Senoussi, soit le frère du chef de la sécurité intérieure libyenne Abdallah Senoussi, et Omar Brebech, ambassadeur de Libye en France de 2004 à 2008. Ce dernier, rappelle Marianne, est décédé en janvier 2012 – quelques semaines après la chute de Kadhafi.
Le témoin évoque également la possibilité de transferts vers la France via le fonds libyen d'investissement en Afrique (LAP).
Des témoignages troublants qui s'ajoutent à ceux révélés par le Monde
Les révélations médiatiques sur l'enquête judiciaire visant la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy se multiplient depuis la rentrée : après l'annonce par le site Mediapart en septembre de l'existence d'un carnet ayant appartenu à un dignitaire libyen, dans lequel les versements à l'ex-président auraient été consignés, Le Monde a dévoilé, jeudi 3 novembre, les principaux éléments de l'information judiciaire ouverte en avril 2013 sur ce sujet.
On y apprend, notamment, que l’avocat franco-djiboutien Mohamed Aref avait lâché à son confrère, le malaisien Siva Rajendram, soupçonné d’être lié au possible financement de la campagne : «Oui, ils cherchent le lien avec Kadhafi mais ils ne cherchent pas au bon endroit.»
Jusqu'à présent, néanmoins, aucune preuve irréfutable n'est venue confirmer les accusations pesant sur la campagne de l'ancien président de la République.
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