France

Cazeneuve met en garde la droite contre une loi anti-burkinis

Une loi interdisant le port du burkini serait «inconstitutionnelle» et provoquerait «d'irréparables tensions», a prévenu le ministre dans le journal La Croix alors que plusieurs personnalités de droite se sont prononcées pour.

«Le gouvernement, comme l'a dit le Premier ministre, refuse de légiférer sur ce sujet car une loi serait inconstitutionnelle, inefficace et de nature à susciter des antagonismes et d'irréparables tensions», a déclaré Bernard Cazeneuve dans cette interview publiée dans la soirée du 28 août sur le site internet du quotidien La Croix.

«En revanche, les musulmans doivent continuer à s'engager avec nous pour l'égalité hommes-femmes, l'intangibilité des principes républicains, la tolérance qui fait le vivre-ensemble», a poursuivi le ministre de l'Intérieur, soulignant que la décision du Conseil d'Etat, qui a suspendu le 26 août l'arrêté anti-burkinis de Villeneuve-Loubet, sur la Côte d'Azur, a «dit le droit».

Pour la plus haute juridiction administrative, une restriction de l'accès aux plages ne peut être justifiée qu'en cas de «risques avérés» pour l'ordre public et non pas sur la base de «l'émotion ou [des] inquiétudes», même dans des communes proches de Nice, où un attentat djihadiste a fait 86 morts le 14 juillet. 

Une trentaine de communes dans le pays ont pris des arrêtés similaires et plusieurs maires ont fait savoir que ces derniers restaient en vigueur, malgré la décision du Conseil d'Etat.

«Chaque parole compte, chaque prise de position peut contribuer à conforter l'unité de la République ou au contraire la fractionner», a souligné le ministre.

En savoir plus : Burkini : après l'ordonnance du Conseil d'Etat, la classe politique toujours divisée

«Débat obsessionnel» pour Cosse

Bernard Cazeneuve s'en est pris au parti Les Républicains (LR), en pleine compétition interne en vue de la présidentielle : «La France a besoin d'apaisement et de rassemblement, pas de ces emportements dictés par les surenchères liées aux primaires, qui portent en elles la division des Français en les dressant les uns contre les autres.»

«Certains dirigeants de l'opposition font beaucoup de bruit. Ils pensent que, dans le contexte actuel de menace terroriste, on peut abandonner les principes fondamentaux du droit que portent la Constitution ou la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen», a-t-il lancé, dénonçant «une grave erreur».

Le président par intérim du parti Les Républicains, Laurent Wauquiez, a réagi le 28 août sur BFMTV en expliquant qu'il en avait «assez qu'on s'abrite derrière la Constitution et que Bernard Cazeneuve s'abrite derrière la Constitution pour surtout ne rien faire».

«Ce que j'attends d'un politique, c'est pas qu'il se soumette à la loi mais qu'il fasse la loi», a-t-il souligner avant d'ajouter : «une Constitution, ça peut se changer.»

Candidat à la primaire de la droite, Bruno Le Maire s'est déclaré à son tour le 28 août pour une loi anti-burkinis, tenue qu'il voit comme une «provocation».

Au sein de la gauche anti-Hollande, Jean-Luc Mélenchon, candidat à la présidentielle, a salué de son côté la décision du Conseil d'Etat et estimé que cette polémique est «une honte pour notre pays», alors qu'il effectuait sa rentrée politique à Toulouse.

De toute évidence, ce débat continue de mettre au jour des divergences au sein du gouvernement, dont le chef, Manuel Valls, voit dans le burkini «l'affirmation dans l'espace public d'un islamisme politique» et «mortifère».

Autre son de cloche du côté de la ministre du Logement, l'écologiste Emmanuelle Cosse, qui s'est désolée, dans une interview accordée au Journal du dimanche (JDD), que cette «question dérisoire» se soit «transformée en débat national obsessionnel».