Le feuilleton brûlant de cet été est sur le point de s'achever. Vendredi, les sages trancheront, mettant fin à des semaines de polémique entre les pro et anti-burkini, les premiers criant à la laïcité menacée, les autres à l'islamophobie.
La décision du Conseil d'Etat sera cruciale, les arrêtés examinés visant aussi bien le hijab (simple voile) que le burkini. Ainsi, leur validation par la plus haute juridiction administrative pourrait signifier que les maires ont le droit d'interdire le port du voile dans l'espace public de leur commune alors qu'aucune loi ne l'interdit au niveau national.
Très attendue, cette décision qui fera jurisprudence - une trentaine d'arrêtés municipaux similaires pris en France cet été sont en jeu -, sera rendue exactement 24 heures après l'audience, a précisé le président de l'audience Bernard Stirn, à l'issue d'une séance publique à l'assistance nombreuse et très médiatisée.
Un collège de trois juges a examiné jeudi la requête déposée par la Ligue des droits de l'Homme (LDH) et le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) qui ont demandé la suspension en urgence d'une interdiction du burkini décidée par la commune de Villeneuve-Loubet (Côte d'Azur).
Au nom de la LDH, Maitre Patrice Spinosi a dénoncé une «atteinte à la liberté de conscience et de religion», demandant aux juges de «s'abstraire de la polémique politique pour dire le droit». «Vous devez être la boussole qui indique le chemin des libertés», a-t-il lancé, soulignant l'impact considérable de la décision du Conseil d'Etat.
Plaidant le contraire, le conseil de la commune de Villeneuve-Loubet a quant à lui tâché de ramener le débat à des enjeux locaux et singuliers, Maitre François Pinatel, avocat de la commune, défendant une «situation particulière» dans «une géographie particulière avec des tensions extrêmes».
Le procès de la laïcité et des libertés individuelles ?
Saisi en première instance, le tribunal administratif de Nice avait validé l'arrêté de Villeneuve-Loubet, rappelant le contexte des attentats djihadistes, dont celui de Nice le 14 juillet, qui a fait 86 morts.
Malgré une tornade médiatique plutôt défavorable, le tribunal avait tranché en faveur de l'arrêté anti-burkini, estimant que le port de ces tenues de bain pouvait être «ressenti comme une défiance ou une provocation exacerbant les tensions».
Selon l'AFP, le Conseil d'Etat se retrouve ainsi à trancher sur la définition même de ce qu'est l'ordre public, dans un pays qui s'enflamme régulièrement sur la place de l'islam ainsi que sur la conception de la laïcité et des libertés individuelles.
La France a été la première en Europe à interdire le voile intégral, burqa ou niqab, dans tout l'espace public, en 2010. Le voile à l'école est lui prohibé depuis 2004.
En 2010, le conseil d'Etat avait émis un avis défavorable concernant une interdiction générale du voile intégral.