«La mise en œuvre de la laïcité et la possibilité de prendre ces arrêtés [anti-burkinis] ne doit pas conduire à des stigmatisations ou à "l'antagonisation" des Français les uns contre les autres, a estimé le ministre de l'Intérieur, à l'issue d'une rencontre avec le président du Conseil français du culte musulman (CFCM) Anouar Kbibech, mercredi soir.
Des propos pouvant sembler contradictoires avec le soutien sans ambigüité apporté une semaine plus tôt par le Premier ministre aux élus ayant pris des arrêtés anti-burkini. «Je comprends les maires qui, dans ce moment de tension, ont le réflexe de chercher des solutions, d’éviter des troubles à l’ordre public», avait en effet déclaré Manuel Valls, dans un entretien accordé à La Provence du mercredi 17 août.
Jeudi, le chef du gouvernement a réitéré ce parti pris dans différents médias... mais a toutefois tenu à ajouter qu'il condamnait évidemment «tout ce qui [pouvait] apparaître comme une stigmatisation».
Un troisième membre du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a livré son opinion sur l'affaire, déclarant jeudi matin que «la prolifération des arrêtés sur le burkini» n'était selon elle «pas la bienvenue».
«Jusqu'où va-t-on pour vérifier qu'une tenue est conforme aux bonnes mœurs ?», s'est demandée la ministre de l'Education nationale, alors que les verbalisations de femmes voilées, au titre d'arrêtés municipaux censés prohiber uniquement le burkini, se sont multipliées en début de semaine.
La ministre a été aussitôt recadrée par Manuel Valls, qui a regretté une «mauvaise interprétation des choses». «Ces arrêtés ne sont pas une dérive (...) Ces arrêtés ont été pris au nom même de l'ordre public», a-t-il martelé sur Europe 1.
Dans l'après-midi de jeudi, enfin, le président François Hollande s'est exprimé sur cette affaire source de divisions... sans véritablement donner raison à quiconque : la «vie en commun» en France «suppose (...) que chacun se conforme aux règles et qu'il n'y ait ni provocation ni stigmatisation», a-t-il déclaré devant la presse.
«Confusion totale», «lâcheté», «couac», «cacophonie»...
Certaines figures des Républicains n'ont pas manqué de souligner cette apparente incohérence du gouvernement au sujet des arrêtés anti-burkini.
Le Sénateur des Hauts-de-Seine Roger Karoutchi a ainsi déploré la «confusion totale» dont ferait preuve l'exécutif...
... tandis que le président du Département des Alpes Maritimes, Eric Ciotti, est allé jusqu'à parler de «lâcheté» quant à l'indécision du gouvernement.
Une élue du 16e arrondissement de Paris, également LR, a pointé du doigt les divergences idéologiques qui sépareraient Manuel Valls et Najat Vallaud-Belkacem, en matière de laïcité et de traitement de la question islamique.
Du côté du Front national, l'euro-députée Sophie Montel a quant à elle décrit une «cacophonie» au sommet de l'Etat.
De nombreux internautes ont également relevé la différence de sons de cloches entre les membres du gouvernement, au sujet des décisions municipales banissant le burkini du bord de mer.
L'affaire des burkinis tranchée jeudi après-midi par le Conseil d'Etat
La plus haute juridiction française doit tenir une audience publique, jeudi 25 août à 15h, afin de rendre une décision sur ces fameux arrêtés – une décision qui fera jurisprudence sur l'ensemble du territoire.
Ce mois d'août, dans la foulée de la décision du maire de Cannes, une vingtaine de maires du littoral méditerranéen ont pris des arrêtés visant à interdire la tenue de plage islamique qui couvre l'ensemble du corps à l'exception du visage.
Ces arrêtés, motivés officiellement par des soucis d'ordre public ou de respect de la laïcité, ont conduit à la verbalisation de plusieurs femmes portant un simple voile sur la plage, suscitant de vives réactions dans le pays comme à l'étranger.