«Le 15 juillet vers 15h30, je me trouvais en salle vidéo avec notre responsable, Sandra Bertin, lorsque son adjoint vient la chercher en salle vidéo, en lui disant qu’un commissaire de police venait la voir et qu’il était envoyé par le cabinet du ministère de l’intérieur», aurait témoigné un membre de l'équipe du centre opérationnel de commandement de Nice.
Le journal Le Monde a obtenu différents témoignages figurant dans le dossier de l'enquête préliminaire pour abus d'autorité ouvert par le parquet de Nice le 26 juillet dernier. Ces derniers sembleraient confirmer la version de Sandra Bertin, selon laquelle le ministère de l'Intérieur aurait tenté de faire pression sur elle, quelques heures après l'attentat, pour manipuler les faits, concernant notamment la présence policière au moment de l'attentat.
«Je l’ai entendue dire "je ne mettrai pas ce que je n’ai pas vu aux écrans"», aurait ainsi confirmé un autre collègue de la policière municipale.
Sandra Bertin a déclaré à la presse et à la justice qu'un commissaire à la direction départementale de la sécurité publique des Alpes-Maritimes au téléphone avec un membre du cabinet du ministre lui aurait directement dicté des ordre du ministère, notamment pour sa rédaction du rapport sur les événements. Démentant cette version des faits, Bernard Cazeneuve a porté plainte en diffamation mardi 26 juillet.
Selon les informations de France Info et d'Europe 1, elle n'aurait pas été en contact avec un membre du cabinet de Bernard Cazeneuve, mais avec la direction centrale de la sécurité publique. Information confirmée par Marianne, qui précise que Sandra Bertin aurait bien été en contact avec une femme, une commissaire. A la tête de la division «informations et synthèse», elle est chargée d’établir dans les plus brefs délais la chronologie des faits la plus précise possible.
Je l’ai entendue dire "je ne mettrai pas ce que je n’ai pas vu aux écrans"
C'est donc avec cette commissaire et non avec un membre du cabinet du ministre, que Sandra Bertin aurait échangé. La commissaire aurait effectivement demandé à la policière municipale niçoise de notifier dans son rapport la présence de la police nationale à deux intersections, ce que Sandra Bertin aurait refusé, car cela ne correspondait pas à ce que retransmettaient les images tournées par les caméras de surveillance. En effet, à partir du moment où le camion meurtrier est repéré, les caméras se mettent à suivre la progression du terroriste. Impossible donc de confirmer ou d'infirmer la présence de ces policiers nationaux.
Une polémique qui se transforme en affaire d'Etat
Les accusations de Sandra Bertin sont à l'origine d'une véritable polémique politique depuis l'attentat. Dénonçant une campagne antigouvernementale engagée par «l'ancien maire de Nice» Christian Estrosi dès le lendemain de l'attaque sur la Promenade des Anglais, le Premier ministre, Manuel Valls, a par ailleurs regretté que l'on mette au même niveau le «ministre de l'Intérieur et une policière municipale».
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La polémique a pris une dimension supplémentaire ces derniers jours. Différents élus de gauche ont sommé la policière municipale de mettre fin à la polémique en «donnant les noms» des fonctionnaires avec qui elle avait été en contact. De plus, la diffusion dans la presse du profil de Sandra Bertin tel qu'il apparaît sur les réseaux sociaux a encore jeté de l'huile sur le feu : elle y affiche en effet son franc soutient à la droite locale, comme son hostilité au gouvernement.