La conclusion de cette enquête administrative «ne saurait être suffisante pour répondre aux interrogations légitimes des familles des victimes». Le président de la région PACA et son successeur à la mairie de Nice ne sont pas convaincus. Christian Estrosi et Philippe Pradal ont publié un communiqué dans la soirée du 27 juillet pour réagir aux conclusions de l’Inspection générale de la Police nationale (IGPN), qui avait rendu son rapport plus tôt dans la journée.
Afin de faire cesser la polémique sur le dispositif de sécurité en place le soir de l’attentat du 14 juillet à Nice, très largement initiée par Christian Estrosi, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, avait chargé la police des polices d’enquêter. Et pour l'IGPN, le résultat est sans équivoque : le dispositif «n’était pas sous-dimensionné».
Bataille de chiffres
Les éléments du communiqué de Christian Estrosi et de Philippe Pradal laissent entendre que le gouvernement n’en a pas encore terminé avec la controverse née au soir de l'attentat. En effet, le duo azuréen a relevé plusieurs «contradictions» qu’il a voulu porter à la connaissance du public.
- Le premier point concerne la présence d'une force mobile sur la Promenade. Si les élus se félicitent du fait que le rapport confirme leurs dires sur le sujet, ils font remarquer ce qu'ils considèrent comme des incohérences entre la carte du dispositif présentée par l'IGPN et les conclusions du rapport : «Nous notons tout d’abord que ce rapport indique qu’aucune force mobile supplémentaire n’était présente comme nous le disions depuis ce terrible drame. Nous relevons également qu’il y a une totale contradiction entre la carte ci-jointe et les conclusions présentées ce jour.»
- Deuxième «contradiction» : la différence de contenu entre le discours prononcé le 21 juillet par le préfet des Alpes-Maritimes, Adolphe Colrat, et le rapport de l’IGPN. «En effet, lors d’une conférence de presse, le 21 juillet dernier, soit sept jours après le drame, le préfet des Alpes-Maritimes a indiqué que 39 effectifs de police nationale étaient présents au moment de l’attentat, contredisant ce rapport de l’IGPN et les propos du ministre tenus le soir de l’attentat qui évoquait 64 agents mobilisés sur zone. Il y a là une contradiction qui ne trouve pas de réponse dans ce rapport.» Christian Estrosi et Philippe Pradal se lancent ensuite dans une analyse détaillée : «Le rapport certifie page 10, que 64 policiers nationaux étaient engagés sur la Prom Party. Pourtant, ce même rapport, page sept, indique que dans une zone comprise entre la rue Meyerbeer, à l’ouest, et le début du quai des Etats-Unis, à l’est, sont présents: deux sections CDI soit 24 personnes, deux BAC soit six personnes, et trois BTS soit neuf personnes; au total donc 39 personnes. Le reste des 64 agents était dans le Vieux Nice, alors que les 30 000 personnes présentes pour le feu d’artifice étaient sur la Promenade des Anglais. Il n’y avait donc que 39 policiers nationaux sur la Promenade des Anglais et pas 64», expliquent les élus.
- La troisième interrogation concerne des déclarations de l'exécutif assurant que le dispositif de sécurité avait été validé par la mairie. A ce sujet, les deux élus s’interrogent : «Pourquoi le ministre a indiqué que nous avions validé le dispositif alors même que nous ne connaissions ni le nombre d’effectifs mobilisés, ni l’état de la menace qui n’était d’ailleurs pas non plus connue des services de l’Etat comme le révèle ce rapport.» Avant d’ajouter : «Pourquoi, selon les dires mêmes du Premier ministre à l’Assemblée nationale, les forces de la police nationale étaient moins nombreuses au moment et à l’endroit où la population était la plus présente, c’est-à-dire au début du feu d’artifice à 22h et dans le secteur devant le Palais de la Méditerranée ? Si nous avions eu à connaître le détail du dispositif, nous n’aurions jamais validé cela.»
- Quatrième et dernier point motivant le scepticisme des deux élus des Alpes-Maritimes : la présence de la police nationale sur le boulevard Gambetta. Christian Estrosi et Philippe Pradal se basent ici sur les révélations de la presse : «Pourquoi la préfecture et le ministre ont affirmé que la police nationale était présente sur le boulevard Gambetta avant que le journal Libération ne démontre le contraire ?»
Sur les réseaux sociaux, les internautes s'interrogent
Le président de la région et le maire de Nice ne veulent pas renoncer «à connaître la vérité». Il suffit de faire un tour sur la toile pour s’apercevoir qu’ils ne sont pas seuls dans cette quête. Les résultats du rapport de l’IGPN n’ont pas convaincu un certain nombre d’internautes. «Pour ne pas empiéter sur l'enquête judiciaire nous n'avons pas voulu travailler sur les vidéos et les ondes radios», précisait Marie-France Moneger-Guyomarc'h, patronne de la police des polices, au moment de communiquer les résultats de l’enquête. Un détail qui n’a pas échappé à plusieurs utilisateurs de Twitter :
D’autres ont rappelé que l’IGPN était placée sous l'autorité du ministère de l’Intérieur. Ce qui soulèverait la question de l’indépendance de son travail :