France

Le tribunal sur la trace des fuites sur l'identité des Kouachi pendant la traque

Pour le procureur de Paris, la diffusion de l'identité des frères Kouachi, le 7 janvier 2015, avait fait disparaître tout espoir de surprise dans la traque des tueurs de Charlie Hebdo. Le tribunal voulait établir les responsabilités dans ces fuites.

Une fois retrouvée la carte d'identité de l'un des jihadistes qui avaient fait irruption ce jour-là dans la rédaction de l'hebdomadaire satirique, la photo a circulé, notamment sur les téléphones portables des policiers.

A 20H42, le reporter Jean-Paul Ney publie sur Twitter un cliché de la carte d'identité de Saïd Kouachi et la fiche policière concernant ce dernier, son frère Chérif et un troisième homme, qui sera rapidement mis hors de cause, accompagné du texte: «On vous tient enfants de putain».

Poursuivi pour recel de violation du secret professionnel, il justifie sa démarche par «un impératif prépondérant de sécurité publique». «Je n'ai fait que vérifier, j'ai trois feux verts» de la part de sources, «je publie», lance-t-il devant le tribunal correctionnel de Paris.

Également poursuivi pour recel, Pierre Martinet, ancien de la DGSE (renseignements extérieurs) reconverti dans la sécurité privée, avait lui aussi diffusé ces éléments sur sa page Facebook.

Il assure tenir ces documents de Jean-Paul Ney, qui pense quant à lui que son co-prévenu «a pu se servir» dans ce qu'il avait publié sur les réseaux sociaux.

«Pas un droit absolu»

Deux policières, de Marseille et de Brest, accusées d'avoir transmis les documents litigieux à Pierre Martinet, comparaissent pour violation du secret professionnel et du secret de l'enquête. Ni l'une ni l'autre n'appartenait au moment des faits aux services chargés de l'enquête sur l'attentat contre Charlie Hebdo (DGSI, Sdat, Section antiterroriste de la Brigade criminelle).

L'une, reconnaissant des échanges de MMS avec lui, déclare «pour moi, je ne les ai pas envoyés». L'autre assure que, croyant que c'était de l'intox, elle n'a fait que chercher à vérifier l'authenticité de ce qu'elle avait reçu sur son téléphone portable. «Je trouvais ça rapide qu'on ait déjà les noms en fait», explique-t-elle à la barre du tribunal, «je me suis dit, c'est encore une connerie qu'on reçoit».

La police avait déploré cette divulgation, tout comme le procureur de la République de Paris, François Molins.

Un avis de recherche officiel avait finalement été diffusé, mais à 03H00 du matin.

L'enquête confiée à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), la «police des polices», n'a pas permis de remonter jusqu'à la fuite initiale, qui a permis aux deux policières d'avoir les copies des documents.

«La liberté de l'information est un droit, ce n'est pas un droit absolu. C'est un droit qui doit avoir certaines limites qui tiennent au droit des gens, aux investigations en cours quand ça renvoie à des questions de sécurité et à la dignité des victimes», avait déclaré François Molins.

A l'issue du procès, qui se poursuivait en début de soirée, le tribunal devrait mettre son jugement en délibéré.