France

Quelques semaines avant son décès, Michel Rocard confiait sa vision de l'Europe à RT France

L'ancien Premier ministre socialiste français Michel Rocard, théoricien de la deuxième gauche, est décédé dans l’après-midi du 2 juillet. Il avait rencontré RT France, il y a quelques semaines pour l'une de ses dernières interviews.

Michel Rocard est décédé à l’âge de 85 ans dans l’après-midi du 2 juillet dans un hôpital parisien, a fait savoir Francis Rocard, le fils du Premier ministre de François Mitterrand de 1988 à 1991.

Dans le courant du mois de mai, Michel Rocard avait accordé une interview à RT France où il n’était pas tendre avec l’Europe qui a été mise en ligne sur notre site le 26 mai. C'est très probablement l'une des dernières interviews qu'il ait données.

«l’Europe se meurt car elle ne possède pas d’évidence stratégique»

Fervent partisan de la construction européenne, Michel Rocard n'en était pas moins critique à son égard. L'ancien Premier ministre soulignait alors la situation paradoxale dans laquelle se trouve l'Union Européenne : suffisamment puissante pour restreindre la souveraineté des nations, mais elle-même pas assez souveraine pour détenir une réelle puissance politique. «elle n’a pas d’instances lui permettant de prendre des décisions rapides et fortes» diagnostiquait Michel Rocard. Même remarque pour l'euro, qui unit selon lui économiquement une zone qui n'a pas d'unité politique, privant la monnaie européenne de marges de manœuvres essentielles : «l’euro n’est pas une vraie monnaie, car ceux qui la gèrent n’ont pas le pouvoir de mettre tout sur la table pour bloquer la spéculation».

«La France est un pays à explosions et à crises»

Social-démocrate assumé, Michel Rocard soutenait les réformes entreprises par le gouvernement de Manuel Valls, qu'il qualifiait alors de «petit frère». La fronde sociale auquel était alors confronté ce dernier n'impressionnait pas Michel Rocard, qui critiquait l'attitude des centrales syndicales : «La CGT est en crise de direction, de succession et cherche une légitimité dans la conduite de ce conflit», expliquait l’ancien locataire de Matignon. Pour lui, le syndicat qui mène la contestation contre la loi travail «illustre dans cette affaire une réticence à proposer et à négocier». Un bras de fer normal en France, ce pays selon lui difficilement réformable qui ne fonctionnerait qu'«à explosions et à crises».

Hommage unanime de la classe politique

L’actuel Premier ministre Manuel Valls, qui a entamé son parcours politique au sein du cabinet de Michel Rocard, lui a rendu hommage, le qualifiant de «militant, visionnaire, homme d’Etat» qui a «incarné la modernisation de la gauche et l’exigence de dire la vérité».

«C’est avec une immense tristesse que j’apprends aujourd’hui la disparition de Michel Rocard. Je me suis engagé en politique par et pour Michel Rocard. Parce qu’il avait dit en 1978 qu’il n’y avait pas de fatalité à l’échec de la gauche. Parce qu’il disait avant les autres que le changement passe par la réforme et non par la rupture», a souligné le locataire de Matignon dans un communiqué.

François Hollande a lui aussi rendu hommage à Michel Rocard, parlant d’«une grande figure de la République» incarnant un socialisme conciliant «utopie et modernité». «Doté d'une personnalité exceptionnelle, il avait entrainé derrière lui de nombreuses générations et avait cherché à réformer et à apaiser la France. Sa méthode fut celle du dialogue, du compromis. Il nous inspire encore aujourd'hui», a encore relevé le président.

A l'unisson d'autres voix à gauche, Martine Aubry a salué un Michel Rocard n’ayant cessé toute sa vie «de vouloir transformer la société, de réconcilier l’économique et le social».

A droite, Nicolas Sarkozy, qui lui avait confié une mission quand il était à l'Elysée, a salué son refus du sectarisme et son «sens de l'Etat».

Alain Juppé retenant «esprit agile, culture historique, goût du débat sans concessions mais sans sectarisme», et l'expérience du grand emprunt.

En dépit des fortes tensions qui existaient avec François Mitterrand, le nom de Michel Rocard restera attaché à d'importantes réformes comme celle du Revenu minimum d'insertion (RMI) en 1988. C'est également lui qui ramena la paix civile en Nouvelle-Calédonie ou qui insituera la Contribution sociale généralisée (CSG).