Mardi 17 mai
Quelque 68 000 manifestants, selon les autorités, plus de 220 000 selon la CGT, ont défilé contre le projet de loi travail mardi en France pour «se faire entendre encore plus fort», lors d'une sixième journée de mobilisation marquée par de nouveaux débordements notamment à Paris, Nantes, Rennes et Lyon. Au total 11 policiers ont été blessés, dont un grièvement à Lyon, selon le ministère. 87 personnes ont été interpellées, s'ajoutant aux 1 300 interpellations recensées depuis le début des manifestations contre la loi travail, dont 819 gardes à vue.
«A Lyon, cinq policiers ont été blessés, dont un sérieusement», a ajouté le porte-parole du ministère, Pierre-Henry Brandet.
L'Unsa et la CFDT, respectivement deuxième et quatrième forces syndicales à la SNCF, vont déposer des préavis de grève reconductible à partir du 31 mai pour peser dans les négociations des règles de travail des cheminots, ont indiqué mardi 17 mai à l'AFP leurs représentants.
La CGT-Cheminots, premier syndicat, a déjà appelé à des débrayages tous les mercredi et jeudi et SUD-rail à une grève reconductible jusqu'au 11 juillet, lendemain de la finale de l'Euro de football. Les syndicats demandent un cadre social «de haut niveau», alors que des discussions sont programmées jusqu'à début juin pour bâtir des règles communes au secteur (privé/SNCF) et revoir l'organisation du travail à la SNCF.
Entre 11 000 et 12 000 personnes ont participé à la manifestation parisienne contre la loi travail, selon le décompte de la préfecture de police de Paris, tandis que la CGT en a recensé 55 000.
Douze personnes ont été interpellées, a précisé la préfecture de police. La participation de mardi est proche de celle de la dernière journée de mobilisation, jeudi, qui avait réuni à Paris entre 11 500 et 12 500 manifestants selon la police et 50 000 d'après la CGT. Au niveau national, les autorités avaient alors comptabilisé 55 000 personnes, soit une mobilisation en recul par rapport aux précédentes journées.
53 personnes ont fait l'objet d'une interdiction de participer aux manifestations contre la loi travail en France, a annoncé mardi 17 mai le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve devant la commission des Lois de l'Assemblée nationale.
«Au niveau national, ce sont donc 53 arrêtés préfectoraux qui ont été signés, dont 48 notifiés», a-t-il affirmé, ajoutant qu'un arrêté, celui visant un journaliste photographe, avait été «levé mardi matin» et que certains avaient «fait l'objet de suspension» par la justice administrative.
A l'arrivée d'une partie du cortège parisien à Denfert-Rochereau, des gaz lacrymogènes ont été tirés tandis que des jeunes au visage masqué criaient «tout le monde déteste la police».
Des journalistes de RT France présents sur place ont pu assister à des jets de projectiles de la part des manifestants sur les forces de l'ordre ainsi que sur les service d'ordre des syndicats qui étaient nombreux à encadrer le mouvement social. Les membres de ces services d'ordre, armés de batons, de gazeuses, ont accusé les casseurs de perturber le mouvement social contre la loi travail, hurlant : «casseurs casseur !»
Avant le départ, les rues aux alentours de l'École militaire avaient été bouclées. A l'approche de Denfert, les CRS étaient pareillement positionnés à toutes les intersections.
Manuel Valls a promis mardi 17 mai l'envoi de 88 policiers supplémentaires à Rennes et des «indemnisations» pour les commerçants, après les violences récentes en marge de manifestations. «Quatre-vingt-huit policiers supplémentaires seront présents dans les prochaines semaines sur la ville de Rennes pour appuyer les forces de l'ordre qui sont déjà engagées», a dit le Premier ministre, lors de la séance des questions au gouvernement à l'Assemblée.
Ce mardi, des débordements sont intervenus entre les forces de l'ordre et les manifestants qui tentaient de pénétrer sur la rocade.
Quant au soutien aux commerçants, «ça sera le cas à travers les indemnisations», a ajouté le Premier ministre, qui répondait à une question de Nathalie Appéré, députée socialiste et maire de Rennes. «Chacun a sa part de responsabilité», a averti également Manuel Valls. «Dans les mots qui ont été parfois utilisés contre le texte de loi porté par Myriam El Khomri, dans les tracts contre les forces de l'ordre, dans cette volonté de faire reculer le gouvernement sur ce texte qui nous paraît indispensable (...), je veux appeler chacun à la responsabilité», a-t-il souligné.
«Vous avez vu ce que pouvait être la violence à Rennes et ce n'est pas la première fois. Nous l'avons constaté encore ce (mardi) matin à Nantes. Chaque mot face à des individus cagoulés, casqués, lâches, (sur lesquels) on ne peut pas toujours mettre un nom ni une organisation politique, chaque mot, chaque acte doit trouver une réponse claire, nette de l’État, de la République, de l'action de la police et de la justice», a lancé le Premier ministre.
Le correspondant de RT France présent à la manifestation contre la loi travail à Paris s'est également fait agresser boulevard Montparnasse, au moment où la situation dérapait. Plus de peur que de mal, il n'est pas blessé.
La correspondante de RT Internationale a également reçu un coup à la tête.
La justice administrative a suspendu mardi neuf arrêtés sur dix émis par le préfet de police qui empêchaient des militants antifascistes de se joindre à la manifestation contre la loi travail, a-t-on appris auprès d'un des avocats de la défense.
Dans ses ordonnances de rejet, le juge administratif relève que les interdictions constituent une «atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir et à celle de manifester». Au cours du week-end, plusieurs militants d'extrême gauche se sont vu délivrer des interdictions de manifester, alors que deux nouvelles journées de mobilisation contre la loi travail sont prévues mardi et jeudi.
A Paris, la situation dérape sur le boulevard Montparnasse. Des pétards ont été jetés par les manifestants sur les forces de l'ordre qui ont reçu également des cocktails molotov.
Les CRS ont jeté des dizaines de grenades lacrymogènes pour disperser la foule.
Une dizaine de syndicalistes de la CGT ont muré mardi 17 mai au matin à Toulouse l'entrée de la permanence parlementaire du député PS Christophe Borgel, pour réclamer le retrait de la loi travail. Le député de Haute-Garonne a «condamné fermement» cette «dégradation», estimant qu'«à ce jour plus de trente parlementaires ont été victimes de ce type d'agissements».
Des opposants CGT à la loi travail ont monté vers 08H15 un mur de briques en béton cellulaire devant la porte et tapissé les fenêtres de la permanence d'affiches, se déclarant «pour le retrait de loi travail», «pour conquérir un code du travail du 21e siècle», ou encore pour la «semaine de 32h».
«On mène des actions symboliques devant les permanences des députés pour les appeler à leurs responsabilités. Il y a des salariés en lutte qui refusent ce projet, qui veulent débattre, qui demandent le retrait», a déclaré à l'AFP Cédric Caubère, secrétaire général de la CGT 31.
A Lyon, des débordements ont eu lieu lors du cortège contre la loi travail. Les vitrines de plusieurs magasins ont été cassées.
Les manifestants sont en train de se rassembler Place Bellecour.
Le chef de file des députés du Front de gauche, André Chassaigne, a dénoncé mardi 17 mai un «mépris total» du gouvernement envers les parlementaires qui portent des «idées différentes», assorti d'un «mépris» du mouvement social contre la loi travail.
«Je suis élu depuis 2002, j'ai beaucoup participé aux travaux parlementaires, je n'ai jamais fait le constat d'autant de mépris du gouvernement contre les parlementaires et contre les députés particulièrement», a déclaré André Chassaigne devant la presse.
«Ce n'est pas seulement le rejet systématique de ce que l'on peut proposer, de façon caricaturale en essayant de dénaturer ce que l'on porte comme alternative, cela se manifeste aussi par des actes, par des gestes, par des comportements», a-t-il poursuivi. L'élu du Puy-de-Dôme a notamment évoqué les débats de jeudi sur la motion de censure déposée par la droite et votée par des députés du Front de gauche, dénonçant «des ministres qui se gaussent, qui se moquent des différents intervenants». Lors de son intervention, André Chassaigne avait interrompu son discours pour demander au secrétaire d'État chargé des Relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, «d'écouter et d'être un peu respectueux avec ceux qui s'expriment».
A Rennes, les forces de l'ordre ont usé de gaz lacrymogènes à l'encontre des manifestants qui tentent d'accéder à la rocade.
Alors que le président François Hollande a tapé du point sur la table ce mardi 17 mai au matin, réaffirmant que les casseurs seraint sévérement punis, aussi bien les services d'ordre que les policiers, ont pris leurs précautions contre d'éventuelles violences à Paris.
A Paris, le cortège est parti d'Ecole militaire, dans le septième arrondissement de la capitale, il y a quelques minutes, comme a pu le constater un correspondant de RT France présent sur place.
Les forces de l'ordre étaient déjà présents en nombre alors que le président François Hollande a réaffirmé ce 17 mai au matin sur les ondes de Europe 1 qu'il ne céderait pas sur la loi travail.
«Les casseurs, ça suffit ! (...) Manifester c'est un droit. Casser, c'est un délit et donc, cela sera puni», a-t-il déclaré.
Les arrestations de manifestants se multiplient dans toute la France de la part des forces de l'ordre.
A Marseille, il y aurait eu déjà quatre arrestations.
Deux autres personnes auraient également été interpellées à Bordeaux.
A Nantes aussi, suite aux débordements, la BAC a procédé à l'arrestation de plusieurs manifestants.
A Marseille, plusieurs centaines de jeunes affichant une banderole «jeunes13énervés» se sont placés en amont du cortège officiel, que les organisateurs ont arrêtés plusieurs fois pour éviter de les rejoindre.
Le service de sécurité a été musclé dans la cité phocéenne. «On veut montrer au public et aux pouvoirs publics qu'on fait tout pour éviter les débordements», a expliqué un membre du service d'ordre syndical.
A Rouen, les manifestants ont une nouvelle fois saccagé les locaux du Parti socialiste de la ville, brisant notamment la vitrine extérieure.
C'est la quatrième fois que le local est saccagé par des opposants à la loi travail après le 10 mai, le 28 avril et le 31 mars dernier.
Ces destructions interviennent alors que le président de la République François Hollande est en visite à Rouen ce mardi 17 mai.
A Rennes, la manifestation des syndicats a été bloquée par les forces de l'ordre.
Les CRS ont empêché les manifestants de rejoindre les routiers.
Des incidents entre manifestants et forces de l'ordre ont éclaté mardi à la mi-journée à Nantes lors de la manifestation contre la loi travail à laquelle participaient entre 3 500 et 10 000 personnes selon les sources. Des manifestants ont commencé à lancer divers projectiles, dont des bouteilles en verre, sur la façade de la préfecture de Loire-Atlantique et en direction des forces de l'ordre présentes dans le jardin, qui ont répliqué en arrosant abondamment avec des lances à eau.
La manifestation syndicale, qui s'est achevée vers 12h30, a rassemblé 3 500 personnes selon la police, et entre 8 500 et 10 000 selon l'intersyndicale (CGT, FO, Solidaires, FSU et Unef). A l'appel de l'intersyndicale et de la coordination lycéenne, le défilé s'était ébranlé vers 11h00 derrière une banderole jaune demandant le «Retrait du projet de loi travail».
La tête du cortège a ensuite été prise par plusieurs centaines de jeunes défilant derrière une banderole proclamant «Résistances». «On n'est pas violents, on est en colère. Jeunes, précaires et révolutionnaires», ont-ils notamment scandé, ainsi que «Nous ce qu'on veut, c'est niquer l'État, le 49-3, on n'en veut pas».
«Quand il y a tant de citoyens qui s'opposent à un projet de loi, quand il y a des manifestations qui durent depuis très longtemps, eh bien, on doit écouter le peuple !», a déclaré le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez.
«Les salariés ont décidé de durcir le mouvement, c'est une bonne chose. Il faut généraliser les grèves. On est dans la phase où les salariés ont décidé de se faire entendre plus fort», a-t-il ajouté alors que plusieurs syndicats de routiers ont prévu de reconduire le mouvement en cas de non satisfaction de leurs revendications. Il conclut : «La loi n'est pas adoptée, et même une loi adoptée on peut la retirer».
Le mouvement lancé le 17 mai à l'aube par les fédérations des transports des syndicats CGT et FO a conduit à la paralysie des zones portuaire et industrielle du Havre. Le port de Saint-Nazaire et la raffinerie de Donges, près de Nantes sont également touchés.
Opération escargot à Rennes, barrage filtrant à Caen, manifestation sur l'autoroute au Mans, blocage d'un centre logistique dans la banlieue lilloise et d'une centrale d'achat près de Bordeaux...
Des barrages filtrants ont aussi été installés près de l'aéroport de Perpignan ou encore à Fos-sur-Mer, où l'on trouve de nombreuses entreprises de chimie et pétrochimie.
Lancé par les fédérations des transports CGT et FO, le mouvement des routiers touchait de nombreuses régions : le Havre et ses zones portuaire et industrielle étaient notamment paralysées en début de matinée, tout comme le port de Saint-Nazaire ou la raffinerie de Donges, près de Nantes avec d'énormes feux de pneus.
Sept syndicats (CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, UNL et Fidl) sont à l'initiative des deux nouvelles journées d'actions unitaires des 17 et 19 mai, les sixième et septième en un peu plus de deux mois, pour contester le texte de la ministre du Travail, Myriam El Khomri, jugé trop favorable aux entreprises.
Adopté sans vote en première lecture la semaine dernière après un recours à l'article 49.3, le projet de loi instaure la primauté des accords d'entreprise sur les accords de branche en matière de temps de travail, un casus belli pour les syndicats. Chez les routiers, on redoute aussi des baisses drastiques de salaires, le texte prévoyant qu'un accord d'entreprise puisse ramener la majoration des heures supplémentaires à 10% au lieu de 25% à l'heure actuelle.