France

D'anciens interprètes afghans auxquels des visas ont été refusés recourent en justice

Un collectif a déposé un recours devant le tribunal administratif de Nantes pour contester le refus de délivrance de visas à des anciens interprètes afghans de l'armée française.

Interprètes, chauffeurs, employés de maison: 700 civils afghans ont travaillé avec les forces françaises de 2002 à 2014. Soixante-treize d'entre eux (179 personnes en incluant leurs familles) ont obtenu un visa pour s'installer en France en 2014.

Quelque 200 nouvelles demandes ont été déposées en 2015, dont environ 30 ont été acceptées, 30 rejetées, les autres restant sans réponse, selon le Collectif au service des auxiliaires afghans de l'armée française (Collectif PCRL).

Pour l'avocate Françoise Gardes, membre du collectif, les interprètes «représentaient le visage afghan de l'armée française». «Cette participation, impossible à cacher, les expose aujourd'hui à de graves menaces de la part des talibans et des insurgés mais aussi de la population, qui les perçoit parfois comme des collaborateurs de l'occupant étranger», souligne-t-elle.

«En avril 2015, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius s'était engagé à réexaminer les demandes de visa dans un délai de deux mois. Un an après, nous sommes toujours dans le flou», a dénoncé Coralie Camus, une autre avocate membre du Collectif.

«L'administration se place sur le terrain du régime dérogatoire, presque une faveur qui leur serait accordée. Nous, on fait valoir la responsabilité morale et l'obligation juridique de protéger les personnes qui sont en danger en lien avec leurs activités pour l'Etat français», a-t-elle ajouté.

En particulier, le Collectif relève que l'administration n'a pas rendu publics les critères de délivrance des visas et que les refus n'ont pas été motivés.

«Il y a un décalage flagrant entre l'urgence de la situation et la lenteur de la réponse. Face à cette inertie, nous avons décidé la semaine dernière de saisir les juges du tribunal administratif de Nantes pour contester les décisions de refus de visa», a indiqué Fenna Baouz, avocate elle-aussi.

Le tribunal administratif de Nantes est le tribunal compétent pour les contentieux liés aux refus de visa.

«Les militaires nous ont oubliés en quittant l'Afghanistan en 2014. Depuis le désengagement français, la situation sécuritaire s'est dégradée de jour en jour : nous sommes contraints de changer régulièrement de domicile», a témoigné Abdul Raziq, arrivé en France le week-end dernier, au bénéficie d'une prise en charge et d'une carte de résident pour dix ans.

«Je suis heureux de vivre désormais loin de la menace», assure-t-il, alors que les talibans menacent de mort les Afghans qui ont travaillé pour les étrangers.

Le Royaume-Uni s’est aussi heurté au même problème, car pendant l’opération militaire en Afghanistan, les troupes britanniques ont aussi engagé des interprètes locaux. Mais aujourd’hui, ces derniers sont pourchassé par les Talibans dans leur patrie et sont contraints de la quitter. Reste que le gouvernement britannique ne se presse pas pour les accueillir, comme le prouve l’exemple de cet interprète afghan resté bloqué à Calais l’année passée.