France

Lille : 30 heures en GAV pour avoir covoituré à son insu une famille de djihadistes en Turquie

Tuncel Percin, un entrepreneur lillois de 43 ans, d'origine turque, a passé 30 heures en garde à vue (GAV) musclée après avoir covoituré via le site BlaBlaCar, une famille vers la Turquie, dont il s'est avéré qu'elle a ensuite rejoint Daesh en Syrie.

«Chaque minute a été une minute de trop et qui demande explication», a déclaré Tuncel Percin à La Voix du Nord, vendredi, après être sorti libre de sa garde à vue qui a duré 30 heures.

L'homme a été interpellé et menotté devant son domicile à Lambersart par «une quinzaine» de policiers, «cagoulés et lourdement armés»Pensant d'abord être victime d'un braquage, c'est en entendant les mots «RAID» et «sous-section anti-terroriste de Paris» que Tuncel Percin a été pris de panique.

«Je ne comprends rien à ce qui arrive. Je suis père de quatre enfants. J’ai un casier judiciaire vierge…», a-t-il expliqué à La Voix du Nord.

Les faits qui lui sont reprochés remontent à l'été dernier. En effet, en juillet 2015, l'homme et sa famille décident de se rendre en Turquie pour des vacances. Pour amortir les frais de ce long voyage en minibus, il publie une annonce sur le site de co-voiturage BlaBlaCar. Il est contacté par une famille qui lui verse un accompte de 200 euros sur un total de 400, couvrant l'ensemble du voyage.

Le rendez-vous est donné devant la gare de Lille-Flandres. Si la femme porte le voile intégral, le mari lui, ne présente aucun signe distinctif et ils sont accompagnés d'enfants en bas âge, «dont un bébé». Tuncel Percin ne se doute de rien et le voyage de deux jours jusqu'en Turquie se passe sans encombres. 

Seulement, ces gens qui semblaient sans histoire, se sont révélés être une famille de djihadistes ayant prêté allégeance à l'Etat islamique qu'ils ont ensuite rejoint en Syrie. Les membres de cette famille, inquiets de leur disparition et l'ayant signalée à la police, finissent par tomber sur l'annonce du site de co-voiturage, sur les messages échangés. Le nom de Tuncel Percin y revient sans cesse, ce qui lui vaudra d'être suspecté d'avoir aidé de potentiels terroristes.

«Je ne suis pas musulman pratiquant. Je ne fréquente pas les mosquées. Je ne fais même pas le ramadan… On enquête sur moi depuis le mois de septembre. On aurait pu comprendre que je n’étais pas dangereux», a expliqué l'homme indigné par les circontances dans lesquelles il a été interpellé.

Il affirmé par ailleurs, qu'il aurait été tout à fait prêt à être interrogé en tant que témoin dans cette affaire. 

Aujourd'hui, il compte se défendre devant la justice, mais «sans se faire d'illusions». Pour son avocat, Nicolas Lebon, le dossier de Tuncel Percin est «clairement abusif» et peut avoir eu un «impact familial important». 

Au sein de la police judiciaire de Lille, la réponse est néanmoins très claire : «Dans le contexte actuel, nous ne pouvons prendre le moindre risque. Nous ne pouvions nous permettre de le convoquer comme témoin si le moindre doute persiste quant à une supposée structure terroriste. Toutes les précautions d’usage doivent être prises…»

Chaque mois, de nombreux djihadistes passent en Syrie via la Turquie. Les deux Etats ont, effet, plus de 800 km de frontières communes. En novembre dernier, suite aux attentats de Paris qui ont fait 130 morts, la Turquie avait admis qu'un renforcement de cette frontière était nécessaire.

D'après un responsable du Pentagone contacté par le Wall Street Journal, le déploiement d'environ 30 000 militaires supplémentaires suffirait pour fermer complètement la frontière turco-syrienne.