Ce 29 janvier, le prélat s’exprimait à Notre-Dame de Paris, aux côtés d’autres religieux, d’Irak, du Pakistan, ou encore du Soudan, venus partager les difficultés qu’ils rencontrent pour vivre leur foi librement, dans le cadre de conférences qui se tiendront dans toute la France. Il était invité par la fondation Aide à l’Eglise en détresse, qui vise à protéger les Chrétiens persécutés dans le monde.
«J’ai connu une autre France, qui défendait les valeurs de liberté, d’humanité, de laïcité»
Au cours de son témoignage, l’archevêque de la ville syrienne d’Alep s’en est notamment pris au rôle de la France dans le conflit, qu’il a vivement critiqué. «J’aime la France, c’est elle qui m’a éduqué», a-t-il déclaré avant de poursuivre : «Mais j'ai connu une autre France, une France qui défendait les valeurs de liberté, d'humanité, de laïcité et de respect. Pourquoi agit-elle aujourd'hui par intérêt politique ou financier ?»
Refuser de discuter avec Bachar el-Assad ? Une erreur
Interviewé par la chaîne française BFMTV au cours de son passage, l’archevêque a reconnu que la France et d’autres pays avaient trop tardé à impliquer Bachar el-Assad dans le processus de négociation syrien.
Il a estimé que, malgré ses réserves envers le gouvernement syrien, ce dernier permettait au moins d’avoir «un Etat laïc, un Etat pluraliste, un Etat où on peut avoir une citoyenneté égale» pour tous.
Au cours de son intervention dans l’église parisienne, le prélat a développé une pensée similaire, expliquant qu’«à choisir, je préfère encore le régime actuel, plutôt que les fondamentalistes qui le combattent» et qu’«il y va de notre avenir en Syrie, comme de l'avenir de toutes les minorités de la région».
Dans un entretien au journal français Le Point, il a indiqué souhaiter «une réconciliation, que l’on trouve des points de rencontre afin de bâtir l’avenir». «Je ne suis pas proche du pouvoir en place, mais je crains que la désintégration et la chute de ce régime ne provoquent une guerre civile. Les institutions, l'armée, le ministère de l'Intérieur, les tribunaux constituent une protection pour la population», a-t-il conclu.
Une couverture médiatique manipulée
Jean-Clément Jeanbart a également tenu à souligner le rôle des médias occidentaux, dont il estime que la couverture du conflit syrien est biaisée par certaines sources donnant une vision partiale de la guerre en Syrie. «L’Observatoire syrien des droits de l’homme diffuse une information favorable à ceux que vous appelez les rebelles. Al-Jazeera, par l’origine [qatarie] de ses financements, donne également une information systématiquement à charge contre le régime».
L’incitation à l’immigration serait une «déportation»
Evoquant l’exode en masse des Chrétiens, et plus généralement de la population de Syrie, qui fuit le pays en guerre, Monseigneur Jeanbart a expliqué, dans une interview pour Radio Notre Dame, qui couvre l’événement : «Nous avons vu non seulement des gens partir, mais aussi des pays offrir le transport par avion gratuit, donner des visas à peine demandés... Tout à coup, on les emmène, on prend les quelques forces humaines restantes... C'est comme si c'était une déportation».
Un complot pour justifier une intervention occidentale en Syrie ?
Evoquant le fait que des centaines de milliers de personnes «se déplacent comme ça, sous les yeux de la Turquie qui avait les moyens de les empêcher de passer», le prélat affirme être «de plus en plus persuadé qu'il y avait un complot pour justifier une intervention militaire musclée en Syrie. Un complot des Etats-Unis, de l'Europe, de l'OTAN».
«Aidez-nous à rester chez nous»
Alors que la Syrie entrera, en mars prochain, dans une sixième année consécutive de guerre, le conflit a coûté la vie à environ 250 000 personnes, et en a fait déplacer des millions d’autres. Dans ce contexte, l’archevêque d’Alep lance un appel à la France : «Vous nous voulez du bien? Alors aidez-nous à rester chez nous».