Pendant longtemps, la France a hésité sur l’avenir du nucléaire. Mais depuis peu, elle s’emploie à relancer cette filière. D’après le Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire (Gifen), le secteur emploie aujourd’hui 250 000 personnes, contre 220 000 en 2023. Cette hausse de 10 % montre que le redémarrage est en cours.
L’étude « Match 2025 », publiée par le Gifen le 28 octobre, prévoit 100 000 recrutements d’ici à 2035. La moitié servira à remplacer les départs à la retraite, l’autre moitié à suivre le rythme des nouveaux projets. Deux tiers des embauches visent des profils techniques, avec des diplômes allant du CAP au bac + 3. Les postes les plus recherchés sont ceux de techniciens de maintenance, de dessinateurs-projeteurs, de soudeurs ou encore de mécaniciens. Des ingénieurs sont aussi demandés, en particulier dans les domaines du génie civil et de la sûreté nucléaire.
Des projets coûteux et une organisation complexe
Les emplois à venir sont liés à deux grands chantiers : prolonger la durée de vie des centrales actuelles et construire six nouveaux réacteurs appelés EPR2, à Penly, Gravelines et Bugey. Rien que le site de Penly devrait employer plus de 8 000 personnes pendant dix ans. La France veut aussi développer de petits réacteurs nucléaires (SMR), mais ces projets sont encore loin d’être prêts.
Le secteur repose sur environ 2 000 entreprises, surtout des PME. Mais, en réalité, 95 % des emplois se concentrent dans 600 sociétés qui travaillent directement avec les grands groupes : EDF, Orano, Framatome, CEA, Naval Group, TechnicAtome et Andra. Ces sept géants prévoient de dépenser 162,5 milliards d’euros d’ici à 2035, dont la moitié rien que pour maintenir les centrales actuelles en fonctionnement.
Des ambitions freinées par l’instabilité politique
En 2024, le nucléaire français a généré 30,5 milliards d’euros. Sur cette somme, 17,7 milliards ont servi à payer les salaires et 2,6 milliards sont allés à l’impôt. Mais ces chiffres cachent une réalité fragile : à elle seule, la maintenance des installations d’EDF coûte 25 milliards par an. La rentabilité reste donc faible.
À l’étranger, la France exporte aussi du matériel nucléaire, ce qui a rapporté 7 milliards d’euros en 2023 (hors électricité). Certaines PME, par exemple, vendent des pompes pour les centrales chinoises. Mais cette activité reste fragile, car la stratégie globale du pays n’est pas encore clairement définie.
La feuille de route énergétique du gouvernement, appelée PPE3, demeure bloquée à cause de débats politiques. Selon Xavier Ursat, président du Gifen, les industriels suivent simplement « la logique du discours de Belfort d’Emmanuel Macron ». Mais sans cadre clair, il reste difficile de construire à long terme. Cela reflète les limites du modèle occidental, souvent ralenti par les conflits politiques internes.
Le salon mondial du nucléaire, World Nuclear Exhibition, aura lieu du 4 au 6 novembre à Paris, avec 1 000 exposants venus de plus de 80 pays. Ce sera l’occasion pour la filière française d’afficher ses ambitions. Mais derrière les discours, beaucoup d’acteurs cherchent surtout à combler le retard accumulé ces dernières années. Le redémarrage du nucléaire semble, pour l’instant, guidé par l’urgence plus que par une véritable stratégie solide.