Si la loi impose aujourd’hui un principe d’égalité stricte du temps de parole durant les cinq semaines précédant le scrutin, le projet de loi souhaite réduire cette période à deux semaines. Le principe d’équité, fondé sur «la représentativité de chaque candidat» et sa «contribution à l'animation du débat électoral» remplacerait alors l’égalité de temps de parole durant les trois premières semaines de la campagne officielle.
Pour François Asselineau, président de l'Union Populaire Républicaine, «le concept d’équité est un concept flou car il introduit une notion de subjectivité». Selon lui, cela devrait signifier «rétablir les déséquilibres existants, c'est à dire donner un peu plus de temps de parole à des formations politiques qui n’en ont jamais». Or, pour Jacques Cheminade, «cette démarche vise à empêcher qu’un souffle nouveau vienne enrichir la vie politique française et à verrouiller nos institutions. On veut priver les candidats émergents d’une partie de ce qui leur permettait de se faire connaître, et ne laisser le monopole de l’antenne aux personnalités dont les idées sont déjà connues».
Cette demande d'instauration de l'équité, initiée par neuf directeurs de médias en 2012, qui menaçaient d'arrêter leurs émissions politiques durant le temps de la campagne officielle à cause des contraintes de la règle d'égalité, a finalement eu gain de cause. «Qui détient les grands médias ? Tout cela est fait en parfaite connivence, il n’y a aucun pays au monde où cela pourrait exister» nous a affirmé le président de l'UPR. Si cette équité ne s'appliquera pas aux deux dernières semaines de la campagne, cela reste pour les petits candidats bien insuffisant car «l'opinion publique ne se cristallise pas quinze jours avant l'élection».
«Le CSA fait comme si cette notion de temps de parole était disjointe des résultats alors que les études montrent que la relation existe» affirme le président de l'UPR, «comment les gens peuvent-ils voter pour quelqu’un qu’ils ne connaissent pas ?»
Si auparavant, seuls 500 parrainages tirés au sort devaient être publiés au Journal Officiel, «huit jours au moins avant le scrutin», la proposition de loi demande à ce que tous les noms y soient publiés, au moment où le Conseil Constitutionnel aura reçu les formulaires de soutien à la candidature de l’élection. «Que l’on publie la liste de tous ses parrains, cela ne me gêne pas» affirme Jacques Cheminade, mais «la publication au Journal Officiel au fur et à mesure des arrivées des parrainages au Conseil Constitutionnel est de nature à influencer la décision de parrains n’ayant pas encore donné leur signature. Je serai plutôt favorable à ce que les noms des parrains ne soient révélés qu’après la tenue de l’élection présidentielle» a-t-il précisé.
L'article 2 de la proposition de loi, s'il est adopté, obligera les parrains à envoyer eux-mêmes leur parrainages par la Poste, ce qui, au contraire du système actuel où tous les soutiens étaient déposés en mains propres en une fois au Conseil Constitutionnel, pourrait jouer des tours aux candidats ne dépasseraient que de peu le seuil des 500 signatures. «Les candidats du système dépassent les parrainages de beaucoup et cela ne leur posera pas de problème, mais pour les candidats émergents qui en ont moins, ce sera pour eux plus aléatoire car il pourrait y avoir des retards ou divers inconvénients à la Poste, qui est aujourd’hui une entreprise de droit privé et non plus de droit public» indique le président de Solidarité et Progrès.
Pour François Asselineau, tant d'efforts sont déployés «rendre la vie impossible aux petits candidats (...) que l’on peut s’attendre à tout» comme la «disparition» de parrainages, chose qui n'était pas possible lors de la remise en mains propres de ceux-ci, contre lesquels le Conseil Constitutionnel remettait un récépissé.
Si Nicolas Dupont-Aignan de Debout la France s'est lui aussi exprimé contre ce projet de loi, le grand absent des contestataires est le Front National. Pour le président de Solidarité et Progrès, cela s'explique par le fait que le parti nationaliste est aujourd'hui installé et n'aura aucun mal à rassembler ses signatures ou à obtenir du temps d'antenne dans les grands médias.
François Asselineau estime lui que le FN n'a aucun intérêt à contester ce projet, car l'abstention, de plus en plus forte aux élections, gonfle les scores du parti qui n'arrive pas à briser son plafond de verre électoral correspondant à 14% des inscrits. «Les partis du système», auraient eux tout intérêt à n'avoir comme seul opposant visible le FN, afin d'opérer leur stratégie de c’est le «21 avril 2002 systématique», car «quiconque est opposé au FN est sûr d’emporter la présidentielle».
Directement cité par Jean-Jacques Urvoas lors de la commission des lois pour justifier sa mesure, Jacques Cheminade explique cela par le fait qu'il n'est «pas un client des supermarchés contrôlés de la vie politique française, et surtout parce qu’on ne veut pas parler dans la campagne de deux thèmes : couper les banques en deux [entre banques de dépôt et banques de marché], et redonner aux autorités politiques la maîtrise du crédit public pour changer la direction de la société».
Le projet de loi, qui fait l'objet d'une procédure accélérée, devrait très prochainement être étudié par les sénateurs.
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