France

Une centaine d’organisations dénoncent l’état d’urgence

Des dizaines d’organisations ont signé un appel exigeant l’arrêt de l’état d’urgence. Elles dénoncent des «dérives» quant à cette mesure exceptionnelle mise en place après les attentats du 13 novembre.

«L'état d’urgence doit cesser alors qu'on nous parle de sa prorogation.» Le décor est planté. Françoise Dumont, présidente de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), a dénoncé le maintien de la mesure décidée par le président François Hollande au soir des terribles attentats qui ont frappé la capitale le 13 novembre. C’est lors d’une conférence de presse réalisée jeudi à Paris que la patronne de la LDH a exprimé ses inquiétudes. Et elle est loin d’être la seule engagée dans ce combat.

Des mesures qui «stigmatisent»

«Notre pays doit lutter contre le terrorisme mais sans s'accommoder de mesures disproportionnées, qui stigmatisent toute une partie de la population, divisent et sont contre-productives» a déclaré la militante qui signe cet appel avec le Droit au logement, la Maison des potes, le Réseau Education sans frontières et plusieurs syndicats comme la CGT, l’Unef ou l’UNL.

Ce sont les perquisitions administratives et les assignations à résidence qui soulèvent le plus de questions. Laurence Blisson, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature, dénonce des décisions qui se basent sur la  «seule suspicion, sur des infos très peu étayées et non sur des actes illégaux».

Un jeune homme témoigne de la violence ressentie lors d’une de ces perquisitions. Les policiers se sont rendus dans son appartement de Méru dans l’Oise, un soir, à 22H30. Il s’appelle Yassine et a 30 ans : «J'ai été saisi par la peur, l'effroi, j'ai eu un coup de pied dans le front, un coup de crosse sur la tempe gauche, j'étais très sonné».

Les organisations de défense des musulmans s’insurgent notamment contre ce qu’ils considèrent comme un acharnement. Yasser Louati,  porte-parole du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), interpelle : «Les citoyens de confession musulmane ont été pris pour cibles par le gouvernement.» Il rappelle que des mosquées ont été perquisitionnées et fermées. Si certaines d’entre elles représentaient bien un risque, plusieurs établissements auraient été visés sans qu’aucune menace ne soient établies. Il cite l’exemple de l’intervention dans une mosquée des Mureaux (Yvelines) lors de laquelle les policiers auraient fouillé le bâtiment accompagnés de chiens. Ce qui n'a pas manqué d'«outrer» les fidèles.

La déchéance de nationalité prise pour cible

Dans le volet de mesure qui accompagnent le prolongement de l’état d’urgence se trouve la déchéance de nationalité pour les binationaux nés Français. Cette mesure, que François Hollande souhaite inscrire dans la constitution, représenterait une première. Mohamed Ben Saïd, qui se fait porte-voix de plusieurs associations issues de l’immigration, la considère comme «très discriminatoire». Selon lui, elle ne réglerait en aucun cas «le problème du terrorisme».

Les organisations pointent aussi du doigt les rassemblements et manifestations interdits, notamment dans le cadre de la COP21, qui s'est achevée le 12 décembre.

Alice, une étudiante de 24 ans, s’est retrouvée dans le lot des 317 personnes interpellées lors d’une manifestation non autorisée place de la République. C’était le 29 novembre. Elle a été placée en garde à vue avant d’être relâchée le lendemain matin : «Je n'avais pas l'impression qu'on était des dangereuses personnes, prêtes à faire du mal».

Depuis l'instauration de l'état d’urgence après les attentats de Paris, 2.700 perquisitions administratives ont été menées et 360 personnes assignées à résidence, selon la chancellerie. Au total, 488 procédures judiciaires ont été engagées, dont une majorité concerne des infractions à la législation sur les armes (187 procédures) et sur les stupéfiants (167 procédures).

Un meeting unitaire contre la mesure s'est déroulé jeudi à 19h à la Bourse du travail à Paris.