France

Tensions persistantes entre Alger et Renault : les révélations d’un ex-ministre

Le portail d'information algérien TSA révèle les coulisses du bras de fer entre l’Algérie et Renault autour de l’usine d’Oran. L'ancien ministre Ferhat Ait Ali accuse le constructeur français de manquements graves à ses engagements, notamment sur le taux d’intégration. Le projet est à l’arrêt, et le climat reste tendu.

Selon le portail d'information TSA (Tout Sur l’Algérie), le projet industriel de Renault en Algérie traverse une zone de turbulences prolongée. Depuis 2020, l’usine du constructeur automobile français à Oued Tlelat, près d’Oran, est à l’arrêt. Et malgré une nouvelle demande d’agrément déposée en février dernier, le gouvernement algérien a opposé une fin de non-recevoir, bien que qualifiée de « non définitive » par Michel Bisac, président de la Chambre de commerce et d’industrie algéro-française.

Les critiques les plus sévères à l’encontre du constructeur français viennent de l’ancien ministre algérien de l’Industrie, Ferhat Ait Ali (en poste de janvier 2020 à février 2021). Cité le 18 mai par le journal Echorouk, ce dernier accuse Renault de n’avoir respecté aucun des engagements pris lors de son implantation en 2014. À l’époque, le cahier des charges imposait un taux d’intégration locale de 30 % au bout de cinq ans. Or, après plus de six années d’activité, Renault n’avait atteint que 4 %.

Ferhat Ait Ali évoque également une répartition des investissements très déséquilibrée : seulement 10 millions d’euros injectés par Renault, contre 160 millions mobilisés en fonds algériens, via un prêt bancaire. Une disproportion dénoncée avec ironie par l’ancien ministre : « Une somme qui ne suffit même pas à équiper un salon de coiffure pour femmes à Paris. »

Peu d’investissement, beaucoup d'illusions

L’usine d’Oran, codétenue à 49 % par Renault et à 51 % par la partie algérienne (via la SNVI, puis Madar et le Fonds national d’investissement), n’a pas permis un réel transfert industriel. Ferhat Ait Ali reproche à Renault d’avoir « imposé ses règles » dès le départ, avec la complaisance de certains responsables algériens. Il accuse également le constructeur d’avoir faussé les statistiques du taux d’intégration, en excluant volontairement le moteur et la boîte de vitesses de la liste des composants locaux.

Autre point de discorde : le refus de Renault d’investir dans une unité de fabrication de carrosseries. Cette exigence, selon Ferhat Ait Ali, aurait nécessité un investissement d’environ 800 millions d’euros, mais aurait aussi permis à Renault de répondre aux obligations contractuelles, tout en sécurisant ses marges en cas d’arrêt d’activité.

Enfin, l’ancien ministre révèle que le constructeur avait tenté de faire entrer des véhicules déjà assemblés sans payer les droits de douane. Une tentative stoppée net par les autorités, qui, selon lui, n’ont jamais fermé l’usine mais ont exigé le respect des règles douanières.

Incidence des relations diplomatiques

Des observateurs et des médias lient la situation de Renault à la crise diplomatique entre Paris et Alger qui remonte à fin juillet 2024 quand Emmanuel Macron a reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Les dirigeants des deux pays multiplient depuis les joutes verbales et les accusations réciproques dans un contexte de plus en plus tendu, qualifié récemment par Abdelmadjid Tebboune de « délétère ».