France

Après les Ephad, les crèches ? Un livre-enquête dénonce la «stratégie low-cost» de leaders du marché français

Dans un ouvrage à paraître le 18 septembre, le journaliste Victor Castanet met en cause les dérives du système des crèches privées en France, listant de nombreux faits de maltraitance. Une affaire qui éclabousse la ministre Aurore Bergé, accusée par l'auteur d’avoir cherché à étouffer l’affaire.

C'est un portrait au vitriol des crèches privées en France que dresse, dans Les Ogres (Éd. Flammarion), Victor Castanet. Un livre-enquête à paraître le 18 septembre, où il revient à grand renfort de témoignages sur les abus constatés par des parents dans des crèches auxquelles ils avaient confié leurs enfants. 

«Deux ans d'enquête, 200 témoins, des documents inédits», a annoncé sur X (ex-Twitter) ce 17 septembre ce journaliste déjà connu pour Les Fossoyeurs (Éd. Fayard, 2022), autre livre-enquête à l'origine d'un scandale qui a frappé les Établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) Orpea. Un livre, à charge, qui «dénonce les dérives de People&Baby et décrypte la stratégie low-cost de plusieurs leaders des crèches privées et la responsabilité de mairies et de ministères», promet-il.

«Il y a des punitions, avec des enfants punis dans le noir, sans tétine, sans doudou», a-t-il déclaré sur une radio publique tricolore. «Ce sont des humiliations aussi. Quand les enfants ne sont pas propres, il y a certains professionnels qui vont les punir, les humilier devant les autres enfants, ce qui laisse des traumatismes», a-t-il encore assuré, évoquant également «des faits de privation de nourriture et de coups, de griffures, qui se retrouvent sur le corps de certains enfants».

Dans cet ouvrage,  l’auteur évoque le cas tragique de la mort d’une fillette en juin 2022, empoisonnée avec du déboucheur. Il explique qu’au cours de ses recherches, il a «découvert que la professionnelle avait été embauchée avant cela par un autre groupe, et qu'elle avait été licenciée au bout de cinq jours».

À travers plusieurs faits divers et cas pratiques, Victor Castanet étaye son propos pour finalement décrire un système de crèches privées basé sur une manne d’argent public. Il décrit ainsi un système visant à «inciter les entreprises à réserver des places de berceaux pour améliorer l’équilibre vie privée-vie professionnelle de leurs salariés», l’État ayant mis en place, en 2004, le crédit d’impôt famille.

Selon lui, «sans ce dispositif, le secteur s’écroule» car cette niche fiscale permet «aux sociétés de déduire de leurs impôts 50% du prix du berceau» auquel s’ajoute «25% de déduction de l’impôt sur les sociétés».

La ministre démissionnaire Aurore Bergé mise en cause par les Insoumis

«Il y avait un accord entre la lobbyiste en chef des crèches […] et la ministre de la petite enfance Aurore Bergé.» Le 16 septembre, auprès d'un média public, le secrétaire général du groupe La France insoumise à l'Assemblée nationale William Martinet a mis en cause la ministre démissionnaire Aurore Bergé. Ministre des Solidarités et des Familles de juillet 2023 à janvier 2024 sous le gouvernement Borne, celle-ci avait dans son portefeuille ministériel le service public de la petite enfance. Le député des Yvelines relate qu'Aurore Bergé, qu'il a interrogée en commission, lui aurait répondu ne pas avoir de lien particulier avec le lobby des crèches privées.

L'ouvrage de Victor Castanet révélerait le contraire puisqu’y figurerait, relate le député des Yvelines, des «échanges, des messages Telegram entre la ministre et la lobbyiste des crèches privées» qui feraient état d’une «stratégie» d'un «accord tacite» entre le gouvernement et lesdites crèches. Le député appelle à une «réponse judiciaire» – notamment à l'encontre de la ministre qu'il accuse de «parjure»–, «administrative mais aussi politique», ainsi qu'à la création d’«un véritable service public pour accueillir dignement les jeunes enfants».

Selon Victor Castanet, relatent plusieurs titres de la presse française ayant eu accès au livre, Aurore Bergé aurait cherché à empêcher la réalisation d’une enquête parlementaire demandée par un député LFI. Des accusations rejetées par l'intéressée, rapporte Le Figaro, qui estime qu’il y avait «un parti-pris idéologique de LFI».

Commission d'enquête qui avait été demandée par William Martinet, a précisé, également sur le service public, la députée socialiste Isabelle Santiago, rapporteur de la mission d'information diligentée à la place. Un rapport qui a été rendu en novembre 2023.

«Cela va faire presque un an que très peu à bougé par rapport à l'ensemble des sujets que nous avons traités et que l'on retrouve dans le livre», a-t-elle déclaré. «J'aimerais savoir qui, en fait, pouvait avoir intérêt à ce que cette commission d'enquête ne parte pas tout de suite alors qu'elle aurait dû», s'est-elle également interrogée.