«C’est une déroute pour Emmanuel Macron: tout l’objectif était de dissoudre l'Assemblée pour faire survivre l’extrême-centre», résume d'emblée Martial Bild, directeur de la publication de TV Libertés, au micro de RT.
Plus de doute : le président français sort particulièrement affaibli de la dissolution de l’Assemblée nationale qu’il a lui-même décidée. Une défaite d’autant plus lourde qu’il s’était érigé depuis 2017 comme le rempart face aux «extrêmes», de gauche, bien sûr, mais surtout de droite. Fissuré, ce rempart pourrait bien s’écrouler.
L’absurdité de la dissolution décidée le 9 juin au soir est quasi-unanimement soulignée sur les plateaux de télévision et dans les couloirs des institutions. Le RN, qui a donc obtenu 33,4%, espère encore une majorité absolue, mais voit déjà sa majorité relative acquise.
L'émergence de trois blocs
Emmanuel Macron avait parié sur une gauche divisée, permettant à son parti de décrocher une deuxième place. Mais l’émergence du Nouveau Front populaire, qui a engrangé 29,9% des suffrages, soit neuf points de plus qu'Ensemble, aura signé la mort des espoirs macronistes. Dans l'absolu, «trois grands groupes se sont formés», explique encore Martial Bild, lui-même proche de la droite nationale: «Le bloc patriote, l'extrême-centre, et l'extrême-gauche».
Concrètement, la majorité se voit contrainte à près d’une soixantaine de désistements au deuxième tour, puisque Gabriel Attal a d’ores et déjà annoncé le retrait des candidats du camp présidentiel en cas de ballotage défavorable dans des triangulaires RN-NFP-Ensemble. La gauche a fait de même.
«Il va falloir attendre mercredi pour connaitre l’ampleur des désistements», fait remarquer Martial Bild. Pour l'heure, 39 députés RN ont déjà été élus dès le premier tour, contre 32 pour le Nouveau Front populaire. La majorité relative de Renaissance (250 députés sur 577) est sur le point d’être désintégrée, avec 60 élus selon les hypothèses les plus pessimistes. «Les Français ont pratiquement effacé le bloc macroniste», a d’ailleurs clamé Marine Le Pen le 30 juin au soir.
«L'extrême droite est aux portes du pouvoir», a alerté le Premier ministre Gabriel Attal, appelant à «empêcher le Rassemblement national d'avoir une majorité absolue». Mais dans les rangs de la majorité, le cœur y est-il encore ?
Derrière Macron, l’amertume
Des premières manœuvres discrètes commencent à se faire remarquer : l’ex-Premier ministre Edouard Philippe s'est ainsi déjà posé en recours. Le 21 juin dernier, il a accusé le président d'avoir «tué la majorité présidentielle» et s’est déclaré hier soir volontaire pour contribuer à la reconstruction «de la droite et du centre».
Certains cadres du parti présidentiel n’hésitent même plus à parler d’exaspération et de «haine» : «On est très en colère», confie un cadre à l’AFP. «Je ne le reconnais plus (…) je peux comprendre la mécanique intellectuelle qui conduit à la dissolution, mais le faire maintenant, à la veille des Jeux olympiques, ça fout un bordel monstrueux et ça offre une tribune aux extrêmes», confiait «l’un des fidèles de la première heure», cité il y a quelques jours par Le Figaro.
Cohabitation avec le RN ou majorité élargie avec un bloc NFP arbitre des élégances ? La France est sur le point d’entrer dans une période de turbulences politiques et institutionnelles.
«Le NFP ne sera pas en situation d'obtenir une majorité, mais l’extrême-gauche ne vit pas que dans les urnes, elle vit aussi dans la rue. Ce sera encore un problème pour le prochain gouvernement», prévient Martial Bild.
«Je ne vois pas comment les choses peuvent encore s’améliorer pour lui»
Emmanuel Macron, qui se voulait au centre du jeu, a perdu sa légitimité institutionnelle. Mais paradoxalement, il pourrait en même temps tenter d'en faire sa force : le président français devrait tenter de se poser en «gardien des institutions» et des «valeurs républicaines» face au RN et au NFP. L'enjeu dépasse la France, puisque l'actuel président, comme le pense Martial Bild, pourrait bien se préparer un avenir à la tête de l'Union européenne: «Il pourra toujours s'auréoler de la lutte contre l’extrême-droite pour un avenir peut-être européen».
Pourrait-il enfin dissoudre de nouveau l'Assemblée pour espérer retrouver une majorité ? Une dissolution néanmoins impossible avant douze mois et qui, surtout, laisse Martial Bild sceptique : «Si la dissolution de 2024 a été mal acceptée par les Français, celle de 2025 serait sanctionnée tout autant», pense-t-il. «Je ne vois pas comment les choses peuvent encore s’améliorer pour lui », estime-t-il, soulignant encore le résultat obtenu à ce premier tour.