«Sur l'Azerbaïdjan, ce n’est pas un fantasme, c’est une réalité.» Interrogé sur France 2 ce 16 mai au matin, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a mis en cause Bakou dans les tensions qui agitent la Nouvelle-Calédonie depuis trois jours. Il a regretté «qu’une partie des leaders indépendantiste calédoniens aient fait un deal avec l'Azerbaïdjan», avant d’ajouter que l'Azerbaïdjan était «une dictature qui massacre […] une partie des Arméniens». Une passe d’armes qui ne manquera pas de raviver les tensions déjà vives entre Bakou et Paris, sur fond de soutien français à l'Arménie.
«Nous rejetons totalement les accusations infondées du ministre français», a rétorqué la diplomatie azerbaïdjanaise. «Nous démentons tout lien entre les leaders de la lutte pour la liberté calédonienne et l'Azerbaïdjan», a-t-elle ajouté, fustigeant des «déclarations insultantes» et «une campagne de calomnie» menée par Paris, selon elle.
En avril dernier, le Parlement azerbaïdjanais et le Congrès néo-calédonien ont signé un mémorandum de coopération, conduisant à des visites de délégations. La présence d’indépendantistes néo-calédoniens à Istanbul en février dernier lors d'une conférence internationale intitulée «Décolonisation : le réveil de la renaissance» organisée par le Groupe d'initiative de Bakou, qui apporte son soutien symbolique à des mouvement anti-coloniaux.
L'armée déployée à Nouméa
Gérald Darmanin a en outre fait le bilan de l’opération de sécurité menée dans l’archipel. Le ministre de l’Intérieur a annoncé sur France 2 que «dix leaders mafieux» avaient été assignés à résidence, citant notamment la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), qu’il assimile à une organisation «terroriste».
Le 15 mai, l'armée française s'est déployée pour sécuriser les ports et aéroports, à la suite de l'instauration de l'état d'urgence, qui permet aux autorités de restreindre les libertés de circulation et de réunion. Louis Le Franc, représentant de l'État français, a estimé que la nuit du 15 au 16 mai avait été «moins violente», avant d'ajouter que des «affrontements très importants» ont encore avaient constatés dans l'archipel.
Dans la même nuit, les émeutes ont conduit à environ 70 nouvelles arrestations, portant le total à 200. Sur l’ensemble de la commune du Grand Nouméa, les rassemblements sont interdits, alors que le transport et le port d’arme ainsi que la vente d’alcool sont interdits sur l’ensemble du territoire néo-calédonien. Le réseau social TikTok a de surcroît été suspendu.
«Le calme va être rétabli», déclare Darmanin avant l'annonce de la mort d'un gendarme
Gérald Darmanin a par ailleurs annoncé une hausse de 1 700 à 2 200 gendarmes dans les 24 heures. Il a tenté de se montrer rassurant en affirmant : «Le calme va être rétabli, il n’y a pas, à ma connaissance de morts supplémentaires.» Quelques minutes après son intervention télévisée, on apprenait pourtant le décès d’un deuxième gendarme à la suite d’un «tir accidentel», portant à cinq le nombre de victimes : deux gendarmes et trois Calédoniens. Le nombre de gendarmes blessés s’élève lui à 64, selon le communiqué de presse du Haut-commissariat à la Nouvelle-Calédonie paru ce 16 mai.
En cause, le «dégel du corps électoral»
Les émeutes qui agitent la Nouvelle-Calédonie ont éclaté après l’annonce le 13 mai du vote par l’Assemblée nationale d’une loi visant à élargir le droit de vote à de nouveaux électeurs aux élections provinciales, le scrutin local le plus important dans cet archipel. Le vote a été entériné le 15 mai par l’Assemblée.
Les indépendantistes estiment que les Kanaks (population native) risquent d’être désavantagés par cette réforme. Cette arrivée de nouveaux électeurs est appelée le «dégel du corps électoral».