C'est un plébiscite qui était attendu. Les parlementaires de la chambre basse comme ceux de la chambre haute ont voté à la quasi-unanimité la prolongation des frappes aériennes en Syrie. A noter que dix députés et vingt-et-un sénateurs se sont abstenus. Quatre députés ont voté contre.
Pour rappel, ces frappes avaient été décidées par le président François Hollande début septembre. Depuis les attentats du 13 novembre à Paris, la campagne aérienne en Syrie s'est intensifiée. Le Premier ministre, Manuel Valls, en a profité pour rappeler que plus que 300 frappes avaient été menées depuis le début de l'opération militaire en Irak (septembre 2014) et plus récemment en Syrie.
Ce vote intervient alors que la Constitution exige que le Parlement donne son accord lorsque le pays engage ses forces militaire pour une durée excédant quatre mois.
François Fillon offensif
Avant le vote à l'Assemblée, l'ancien Premier ministre est monté à la tribune. Il s'est demandé s'il ne fallait pas «interdire tous les financements étrangers sur le sol de notre pays s’agissant des mosquées».
L'ancien locataire de Matignon en a profité pour tacler la stratégie du gouvernement concernant la lutte contre le terrorisme : «Pour le gouvernement, il fallait éviter à tout prix d’aider le régime de Bachar Al-Assad alors qu’en réalité il fallait à tout prix détruire l’Etat islamique. Le leitmotiv du ni Assad ni Daech fut une erreur.»
François Fillon s'est également montré très dur envers la Turquie, pourtant allié de la France au sein de l'OTAN : «Et que dire de la Turquie ? C’est par elle que transitent les plus grands flux de combattants européens vers la Syrie. C’est par elle que sort l’essentiel du pétrole produit dans les zones contrôlées par les terroristes. C’est son armée qui vient d’abattre un avion allié et qui bombarde les kurdes.»
Il a appelé l'Union Européenne à ne pas accepter d'accord avec la Turquie tant qu'Ankara n'aura pas clarifié sa politique à l'égard de la Syrie.
Le Roux et Pompili ne veulent toujours pas d’Assad, Folliot souhaite une défense européenne
Les politiques ont été nombreux à prendre la parole aujourd’hui. Le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale a déclaré que le vote permettrait d’assurer «au monde entier la détermination sans faille de la France dans le combat qu’elle conduit avec d’autres contre Daesh».
Pour lui, pas question de s’allier avec Bachar el-Assad dans cette lutte : «La conviction de la France n’a pas changé: Bachar Al Assad ne peut pas garantir la stabilité durable de la Syrie».
Et au sujet de la Russie ? «Nous nous réjouissons que la Russie, touchée elle aussi par le terrorisme, frappe également, mais encore trop peu, les intérêts et les installations de Daesh.»
Concernant la Turquie, le parlementaire socialiste s’est contenté de demander à «lever l’ambiguïté» qui «accompagne l’engagement de la Turquie au sein de la coalition».
Le centriste et membre de l’UDI Philippe Folliot n’envisage aucunement une intervention terrestre. Il dit «refuser d'aller combattre ces monstres sur leur sol». Il souhaite élargir la coalition internationale en associant notamment mieux la Russie.
S’il ne se prive pas de critiquer le gouvernement syrien, il fait néanmoins le constat suivant : «Si dans l’indicible horreur, Daech et le régime syrien se valent, force est de constater que l’un nous fait la guerre et l’autre pas.»
L’UDI étant un parti très européiste, Philippe Folliot ne se prive pas pour appeler à une défense européenne : «La France doit prendre l’initiative de relancer l’Europe de la défense».
Du côté des écologistes, Barbara Pompili exclut toute coopération avec l’Etat syrien, à l’instar de son homologue socialiste Bruno Le Roux. «Si l’ennemi de la France en Syrie c’est l’État islamique, l’avenir durable de la Syrie ne saurait s’incarner dans un régime et un dirigeant qui a gazé son peuple, créé le chaos dans son pays, et piétiné les principes élémentaires du droit international» a-t-elle déclaré.
Un avis qui n’est pas partagé par Jean-Jacques Candelier du Front de Gauche. Pour lui, «la guerre se gagne avec des forces terrestres, notamment celles de Bachar Al-Assad». Il en a profité pour rappeler qu’il n’était pas favorable à une intervention au sol tout en qualifiant Daesh "d'ennemi de l'humanité".
La France soutenue
Pendant que l’Assemblée débattait pour continuer ou non à bombarder la Syrie, l’hexagone a reçu un soutien de taille. Les 28 pays membres de l’UE ont décidé d’apporter leurs concours aux opérations militaires à l’étranger (Opex) de la France, notamment en Syrie.
C’est le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian qui l’a annoncé aux députés : «Chacun des 28 pays membres a décidé d’apporter un soutien à la France, soit sous forme d’un soutien direct sur le théâtre syrien, soit sous forme d’un soutien indirect à nos opérations au Levant, soit sous forme d’un soutien indirect sur d’autres théâtres où les forces françaises sont engagées.»
En quoi vont consister ces soutiens ? Le locataire de l’Hôtel de Brienne ne s’est pas épanché sur le sujet. Tout ce que l’on sait à l’heure actuelle, c’est que l'exécutif avait demandé, à la suite des attentats de Paris, l’aide de ses collègues européens.
«Cette action collective au niveau européen initiée par la France, par l’activation de l’article 42.7 du Traité de Lisbonne, est une nouvelle importante. L’Europe se sent totalement concernée par l’action militaire que nous devons engager pour neutraliser le groupe Etat islamique qui a revendiqué les attentats meurtriers de Paris» a-t-il expliqué.
Concrètement, aujourd’hui, l’Allemagne a déjà annoncé l’envoi de 650 soldats au Mali où la France est toujours engagée dans l’opération Barkhane. La Grande-Bretagne a mis à disposition de l’armée de l’air française sa base de Chypre.