«Notre combat contre la drogue et les dealers est total. Nous allons désormais multiplier les opérations que nous avons préparées pendant des mois pour taper très fort.» Sur le réseau social X (ex-Twitter), le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a évoqué la vaste opération menée partout en France à partir de ce 25 mars, six jours après le début de l’opération «Place nette» du 19 mars à Marseille.
Parmi les territoires où sont menées de nouvelles opérations se trouvent la ville de Chenôve, proche de Dijon en Côte-d’Or, mais aussi l’agglomération lilloise avec Lille, Villeneuve-d’Ascq et Roubaix, ville dont le ministre fut maire pendant un peu plus de trois ans. L’agglomération lyonnaise est aussi visée avec la ville de Villeurbanne ainsi que le nord de Paris et la Seine-Saint-Denis.
Depuis Roubaix, le ministre de l’Intérieur a revendiqué «187 interpellations». «Nous avons un objectif de 850 personnes à interpeller», a-t-il déclaré, estimant qu’avec les arrestations réalisées à Marseille et celle de la matinée, un quart de l’objectif état déjà atteint.
Des trafiquants de retour au lendemain des opérations
Six jours après l’opération menée à Marseille, le gouvernement poursuit ce que le président a qualifié d’«opération sans précédent […] pour porter un coup d'arrêt aux trafics de drogue». Près d’un millier de policiers avaient été mobilisés à Marseille et l’opération avait été ponctuée par 71 gardes à vue, 22 kilos de stupéfiants saisis, plus de 385 000 euros en liquide récupérés et quatre armes confisquées.
Un bilan en apparence flatteur mais terni peu après le déplacement d'Emmanuel Macron à Marseille. Ainsi, la chaîne d’information en continu BFMTV a-t-elle diffusé le 20 mars un reportage faisant état du retour des trafiquants dès le lendemain du passage présidentiel. On y voyait notamment des affichettes placardées par les dealers dans les halls d’immeuble, prévenant les habitants qu’ils devraient «assumer les conséquences de leurs actes» s’ils venaient à «collaborer» avec la police. De son côté, France Info a donné la parole à un trafiquant placé en détention qui a déclaré : «On a bien rigolé devant la télé» en évoquant la visite du président. Et d’affirmer à propos du pilotage du trafic : «Tout se passe en prison.»
Des critiques et un problème de grande ampleur
L’opération à Marseille a provoqué de vives critiques de personnalités médiatiques, dont Michel Onfray. L’essayiste a ainsi dénoncé sur le plateau de CNews le 23 mars : «Pour avoir la paix sociale, le président de la République ne touchera jamais à cette économie.»
Le criminologue Xavier Rauffer a dénoncé de son côté des politiques vouées à l’échec et a déclaré au micro du média Boulevard Voltaire : «De qui avez-vous peur ? De Macron ou du caïd ? Du caïd. Donc vous respectez la loi du silence. Pour ne pas être le 51e cadavre.»
Ces critiques quant à la politique menée par l’exécutif s’inscrivent dans un regain d’intérêt pour le sujet du trafic au cours des derniers mois. Ainsi, la juge d'instruction chargée de la criminalité organisée au tribunal, Isabelle Couderc, s'était inquiétée devant une commission sénatoriale début mars : «Je crains que nous soyons en train de perdre la guerre contre les trafiquants à Marseille.» Le 14 février, le journal régional Le Télégramme s’interrogeait déjà : «Face à l’explosion du trafic de drogue, la France peut-elle devenir un "narco-État" ?» Et d’évoquer «une dérive semblable à celle observée en Belgique et aux Pays-Bas».
Le 10 février, l'Office anti-stupéfiants (Ofast) publiait une étude pour l’année 2023 consultée par le journal Le Monde dans lequel la «montée en puissance» du trafic était évoquée. En cause notamment : l’augmentation de 24% de la production dans les champs de coca en Colombie. Le document évoque par ailleurs une augmentation de la consommation des autres drogues dites traditionnelles, comme le cannabis et l’héroïne, ainsi que les substances de synthèse fabriquées en Europe.