La laïcité dans le sport en question au Conseil d’État. Le 26 juin, le rapporteur de la plus haute juridiction de l’ordre administratif s’est déclaré favorable au port du hijab sur les terrains de football. L’instance avait été saisie en 2021 par les «Hijabeuses», un collectif militant pour le port du voile islamique dans les compétions de ballon rond et contestant à ce titre l’article 1 de la Fédération française de football (FFF).
Celui-ci interdit depuis 2016 «tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale». Clément Malverti, rapporteur public, dont l’avis est généralement suivi, a recommandé l’annulation de cet article 1. Il n’y a ni «prosélytisme» ni «provocation» dans le seul port du hijab, estime-t-il, ajoutant que le football est déjà «truffé» de signes d’appartenance religieuse. Selon lui, «l’exigence de neutralité est peu en phase avec la réalité sociologique du sport et en particulier du football, à l’instar de l’AJ d’Auxerre dont le drapeau est orné d’une croix de Malte». Il cite également «de nombreux joueurs [qui] ont des tatouages explicites ou expriment leur religion à travers un geste ou une prière en entrant sur le terrain», à l’appui de son argumentation.
Ni «prosélytisme» ni «provocation» dans le port du hijab, selon le rapporteur
De plus, le rapporteur considère que les joueuses ne sont tenues à aucune «exigence de neutralité» et qu’en vertu de l’article 1 du règlement de la FFF, les joueuses portant le voile sont de facto «exclues» et doivent «renoncer à toute compétition et toute carrière».
Il apporte toutefois une nuance pour les footballeuses engagées en équipe de France, qui représentent «la nation», effectuent à ce titre «une mission de service public» et qui devraient donc jouer sans voile islamique, suivant en cela les directives de la FFF.
Founé Diawara, coprésidente du collectif des «Hijabeuses», par ailleurs influenceuse promouvant la «mode pudique», s’est déclarée satisfaite de cette annonce. «Ce qui motive notre action, c’est l’injustice», expliquait-elle à L’Equipe en février 2022. «Ce n’est pas qu’une question de droit des femmes musulmanes, mais de droit des femmes tout court», ajoutait la dirigeante du collectif représenté par l’association Alliance citoyenne, qui par ailleurs milite à Grenoble pour le port du burkini dans les piscines municipales.
Me Marion Ogier, avocate du collectif, rappelle que l’avis du rapporteur «ne préjuge en rien de la décision du Conseil d’État» et ne souhaite donc pas «crier victoire» trop vite. Elle espère que l’instance, en prenant sa décision, fera «du droit, rien que du droit» sans se laisser influencer par la «politique».
«Un coup de canif très fort contre le pacte républicain»
De son côté, Me Loïc Poupot, avocat de la FFF, estime que «ce qui est recherché, c’est l’importation dans le football de revendications communautaires». Frédéric Thiriez, avocat au Conseil d’État et intervenant pour la Ligue du droit international des femmes (LDIF), qui plaidait aux côtés de la FFF, considère que la requête déposée par le collectif des «Hijabeuses» est «loin d’être un mouvement spontané de jeunes femmes, mais résulte d’une offensive de l’islamisme politique avec à sa tête l’Iran et les monarchies du Golfe». Un argument que réfute Founé Diawara : «Notre combat n’est pas politique, pas religieux, il concerne le sport et seulement le sport […] tout ce qu’on veut, c’est jouer au football», a-t-elle déclaré à la sortie de l’audience du Conseil d’État.
La décision sera rendue d’ici deux à trois semaines, mais les réactions fusent déjà, à l’exemple de Gérald Darmanin, qui s’est déclaré, ce 27 juin sur RTL, «très opposé» au port du voile islamique sur les terrains de sport. «Le permettre serait un coup de canif très fort contre le pacte républicain», a dénoncé le ministre de l’Intérieur. Même ligne pour David Lisnard, maire LR (Les Républicains) de Cannes, pour qui «un terrain de foot doit rester un terrain de foot et non devenir une vitrine islamiste».