Un comité de l'ONU a épinglé le 3 août la France dans une affaire de port du voile islamique, pour avoir interdit à une femme de porter celui-ci lors d'une formation continue pour adultes organisée dans un lycée en 2010.
«C'est une décision importante qui montre que la France a des efforts à faire en matière de droits de l'homme et en particulier sur la question du respect des minorités religieuses, et plus particulièrement de la communauté musulmane», a déclaré à l'AFP l'avocat de la plaignante, Sefen Guez Guez.
La décision du Comité des droits de l'homme, adoptée en mars mais transmise le 3 août à l'avocat, fait suite à une plainte déposée en 2016 par une ressortissante française née en 1977 (son avocat ne souhaite pas que son nom soit publié). Les faits remontent à 2010, lorsque la plaignante s'était inscrite à une formation professionnelle pour adultes (Greta).
Après avoir réussi l'entretien et le test d'entrée, elle s'est présentée au lycée Langevin Wallon où la formation devrait avoir lieu mais le proviseur lui en a interdit l'accès en raison de la prohibition du port de signes d'appartenance religieuse au sein d'un établissement public d'enseignement. Selon le Comité des droits de l'homme, «la restriction imposée à l'auteure [de la plainte] l'interdisant de participer à sa formation continue tout en portant un foulard constitue une restriction portant atteinte à sa liberté de religion en violation [...] du Pacte».
Le Comité rappelle que «la liberté de manifester sa religion englobe le port de vêtements ou de couvre-chefs distinctifs [et] considère donc que l'interdiction qui a été faite à l'auteure constitue une restriction de l'exercice de son droit à la liberté de manifester sa religion».
D'autres stagiaires auraient reçu la même formation tout en portant un voile islamique
Il prend également note que la femme «a apporté des témoignages, non contestés par l'Etat partie, dans lesquelles d'autres stagiaires ont pu recevoir la formation tout en portant un voile islamique et côtoyant des lycéens soumis à la restriction imposée par la loi du 15 mars 2004 sans que cela ait posé des troubles de l'ordre publique ou obstrué le bon fonctionnement du centre». La loi interdit aux élèves de porter des signes religieux ostensibles dans les écoles, collèges et lycées publics.
La plaignante avait notamment saisi le Tribunal administratif de Melun qui, selon le comité de l'ONU, avait reconnu que la loi ne s'applique pas dans son cas mais que le bon fonctionnement de l'établissement était de nature à justifier la restriction la concernant.
Dans ses conclusions, le comité indique que la France a notamment souligné qu'«il y a lieu d'opérer une conciliation entre la liberté de manifester sa religion, dont bénéficie l'intéressée, et les exigences de préservation de l'ordre et du bon fonctionnement de l'établissement scolaire public concerné».
Le député Eric Ciotti (Les Républicains) a été le premier élu de notoriété à réagir à la décision : «L'ONU, organisation internationale promouvant la paix défend le voile islamique dans les établissements scolaires français. Un basculement idéologique inquiétant alors que ce voile est un objet d’asservissement des femmes et un étendard de l’islam conquérant !».
A l'opposé, le parti de l'Union des démocrates musulmans français, critiqué pour leur promotion de positions jugées communautaristes, estime que «le monde est témoin» de la décision du comité de l'ONU et du «dévoiement de la laïcité pour en faire un outil de persécution des musulmans».