France

Les Soulèvements de la Terre : une délicate dissolution

Gérald Darmanin a annoncé ce 21 juin la dissolution du collectif Les Soulèvements de la Terre. Ces écologistes radicaux étaient dans le viseur du gouvernement, mais leur suppression soulève des problèmes tant juridiques que politiques.

Après plusieurs mois de tergiversations, le gouvernement a finalement dissous Les Soulèvements de la Terre ce 21 juin en Conseil des ministres. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a présenté le décret portant sur la dissolution de cette organisation écologiste. En conférence de presse, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a évoqué un «non-respect de l’Etat de droit».

«Ce n’est pas la liberté d’expression ni la liberté de manifestation qui est en question», a tenu à souligner Olivier Véran, qui a également justifié cette dissolution par «le recours répété à la violence contre des biens, contre des personnes, qui a été renouvelé à plusieurs occasions», mais aussi par l’incitation «à la commission de sabotages et dégradations matérielles, y compris par la violence».

Les avocats du collectif, qui vont contester la dissolution devant les tribunaux, affirment que l'exécutif cible «l'exercice pur et simple de la liberté d'expression». «On ne dissout pas un soulèvement. Tout continue. Car vous êtes, nous sommes toutes et tous, les Soulèvements de la Terre», a réagi, pour sa part, le collectif.

Une dissolution complexe

Présents à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres lors des mobilisations contre l’installation de «méga-bassines» en octobre 2022 et plus récemment, le 17 juin, lors des manifestations contre la ligne Lyon-Turin dans la vallée de la Maurienne en Savoie, le «groupement» a été au cœur de mobilisations qui ont débouché sur des affrontements occasionnant des blessés du côté des manifestants et chez les policiers.

Juridiquement, l’organisation Les Soulèvements de la Terre constitue un groupement d’une centaine d’associations. En prononçant la dissolution de ce groupement, le gouvernement ne dissout pas les associations qui s’y sont agrégées (Attac, Extinction Rebellion, Confédération paysanne…). Les Soulèvements de la Terre agit comme une plateforme de «convergence des luttes». Sa disparition n’empêchera pas les associations qui s’y étaient attachées de poursuivre leurs actions militantes.

A l’épineuse question de la dissolution s’ajoute une vive opposition à gauche. Côté institutionnel, la maire socialiste de Paris Anne Hidalgo a tenu à soutenir le mouvement écologiste radical. Son homologue nantaise Johanna Rolland a aussi dénoncé ce qu’elle nomme un «échec de l’Etat».

Les députés de la coalition de gauche Nupes se sont également montrés particulièrement investis sur ce sujet. L'Insoumise de Paris Sarah Legrain évoque ainsi un «détournement cynique des lois antiterroristes», quand le député et ancien secrétaire général d’Europe Ecologie-Les Verts Julien Bayou estime que le gouvernement «suit une pente extrêmement dangereuse».

La gauche en soutien aux Soulèvements de la terre

Mis à part le Parti communiste, l’ensemble des partis de gauche présents à l’Assemblée nationale ont apporté leur soutien au groupement Les Soulèvements de la Terre. L’Union syndicale Solidaire a de son côté appelé à rejoindre les rassemblements qui auront lieu en soutien partout sur le territoire.

Parmi les messages pour dénoncer la dissolution, le slogan «on ne dissout pas un soulèvement» a fait le buzz sur les réseaux sociaux et sur les plateaux de télévision. Une formule qui fait écho à celle du mouvement anti-immigration Génération identitaire, dissout en mars 2021, «on ne dissout pas une génération».

Après six ans de présidence Macron, ce sont 33 associations qui ont été dissoutes, très majoritairement des structures de droite radicales ou islamistes. En cinq ans, François Hollande en avait dissous dix et son prédécesseur Nicolas Sarkozy seulement deux.

En prononçant la dissolution des Soulèvements de la Terre, Gérald Darmanin s’expose à renforcer la détermination des mouvements engagés dans une démarche d’écologie radicale. Il confirme par ailleurs que le gouvernement ne renoncera pas à dissoudre des associations qu’il qualifie de «violentes». Dans l’immédiat, les forces de police se mobilisent dans plusieurs villes de France, où des manifestations pourraient perturber la fête de la musique qui a lieu ce 21 juin.