France

Le Sénat vote le report de l'âge de départ à la retraite à 64 ans

La chambre haute du Parlement a adopté cet article au cœur de la réforme très contestée du système de retraites, le gouvernement espérant désormais que les débats sur les autres dispositions s'achèvent avant l'échéance du 12 mars à minuit.

Le Sénat a voté dans la nuit du 8 au 9 mars le décisif article 7 reculant l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans, tandis que les syndicats qui demandaient à rencontrer le président français se sont vu opposer porte close par Emmanuel Macron.

Salué par quelques applaudissements à droite, le vote reportant de 62 à 64 ans l'âge de départ a été acquis par 201 voix contre 115, sur 345 votants. «Je me réjouis que les débats aient permis de parvenir à ce vote», a très rapidement tweeté Elisabeth Borne, en maintenant qu'il s'agit d'«une réforme équilibrée et juste».

Relativement silencieuse face aux attaques de la gauche depuis le début de l'examen du texte, la majorité sénatoriale a utilisé divers articles du règlement intérieur pour accélérer les débats face à «l'obstruction» de la gauche, qui s'est indignée d'un «coup de force». «Vous bâclez le débat», a critiqué la sénatrice communiste Eliane Assassi, estimant que «la prétendue sagesse du Sénat en a pris un coup». 

«Ultra-majoritaire au Sénat, mais minoritaire dans le pays, les LR ont dû utiliser tous les artifices du règlement et d’autoritarisme pour passer au forceps», a blâmé le sénateur communiste Fabien Gay, affirmant cependant que «le combat continue ici, comme dans la rue jusqu’au retrait» du texte.

«Jamais nous n'accepterons que vous mélenchonisiez le Sénat», a lancé à la gauche le patron des Républicains Bruno Retailleau, ardent soutien de la réforme. Les débats au Sénat reprennent ce 9 mars autour d'un amendement polémique du même Bruno Retailleau qui plaide pour que l'extinction progressive des régimes spéciaux, votée à l'article 2, s'applique aux salariés déjà en poste, et non aux futurs embauchés. Interrogé sur Europe 1 le 9 mars, le président LR du Sénat Géard Larcher a quant à lui estimé qu'une «étape essentielle» avait été franchie dans l'adoption de la réforme avec le vote de cet article, qu'il a qualifié de «cœur du réacteur».

Macron ne recevra pas les syndicats

De son côté, l'intersyndicale, qui veut continuer à mettre la pression avec une nouvelle mobilisation le 11 mars et la multiplication des actions, a demandé à être reçue «en urgence» par le chef de l'Etat «pour qu'il retire sa réforme».

«La porte du ministre du Travail, Olivier Dussopt, reste toujours ouverte», leur a répondu la Premier ministre au Sénat le 8 mars, assurant que «le gouvernement est toujours prêt et ouvert au dialogue». Plus tôt, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran avait expliqué que le président de la République «respectait les institutions». «Ce serait une erreur si le président recevait» les syndicats, qui «veulent re-personnaliser le débat autour de "pour ou contre le président"», a estimé une source gouvernementale auprès de l'AFP. Selon la même source, «le président n'a pas à entrer là-dedans».

Emmanuel Macron, qui avait fait de la réforme un pilier de son programme présidentiel, est resté en retrait depuis sa présentation début janvier, laissant Elisabeth Borne et son gouvernement en première ligne tandis qu’il effectuait une tournée émaillé de déclarations jugées pour le moins maladroites en Afrique.

Elisabeth Borne compte sur un vote des Républicains à l’Assemblée nationale pour éviter d'utiliser l’article 49.3 , qui serait perçu comme un passage en force. D'autant que, de l'aveu même d'Olivier Véran, le projet «n'emporte pas l'adhésion d'une majorité de Français».

La majorité tente d'afficher sa sérénité face aux mobilisations

Chez LR, des dissensions persistent cependant, alimentées par une rencontre, le 8 mars également, entre le député Aurélien Pradié – critique de la réforme – et le leader de la CFDT Laurent Berger. Pradié, qui a récemment perdu son statut de numéro 2 de LR par décision d'Eric Ciotti, refuse toujours de voter en l'état ce texte «qui pénalise les travailleurs».

La majorité saura-t-elle se montrer unie ? Ne pas voter la réforme serait «déloyal vis-à-vis de notre majorité et vis-à-vis des Français», a prévenu sur France Info la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, à l'intention des élus macronistes récalcitrants.

Le gouvernement espère ainsi obtenir rapidement une première victoire avec le vote par la chambre haute de l'ensemble du texte d'ici la date butoir du 12 mars, avant la réunion d’une commission mixte paritaire associant sénateurs et députés, le 15 mars, soit le même jour qu’une autre journée de mobilisation intersyndicale. S'ils s'accordent sur un texte, l'adoption définitive de la réforme pourrait intervenir dès le lendemain.

L'exécutif parie aussi sur un essoufflement du mouvement social. «La France n'est pas à l'arrêt» comme promis par les syndicats, a relativisé une source gouvernementale auprès de l’AFP. Les syndicats ont fait descendre dans la rue le 7 mars 1,28 million de manifestants selon la police et 3,5 millions d'après la CGT.

Mais les taux de grévistes sont restés en-deçà des records, tandis que la circulation des trains et métro parisiens s'améliorait le 8 mars. La circulation des trains restera encore «fortement perturbée» ce 9 mars, selon la SNCF, mais celle des transports parisiens s'améliorera, selon la RATP. Selon les secteurs, des blocages étaient en cours dans plusieurs grands ports d'après la CGT. Des routes ont été bloquées, ainsi que des lycées et des universités, à travers le pays.

La CGT-Chimie a affirmé que les expéditions de carburants étaient toujours bloquées à la sortie des raffineries, où le ministre des Transports, Clément Beaune, a menacé de faire intervenir les forces de l'ordre.