Sans attendre la journée nationale du 31 janvier, date choisie par l’ensemble des syndicats pour protester à nouveau contre la réforme des retraites du gouvernement, la grève a repris dès ce 26 janvier pour 48 heures dans les raffineries et les centrales, et pour 24 heures dans les ports et les docks.
Dans les raffineries, une grève prolongée mi-octobre avait provoqué des pénuries de carburant. Cette fois, seules les expéditions de carburants vers les dépôts sont à ce stade bloquées, pour deux jours, avec un mot d'ordre : «Rien ne rentre, rien ne sort.»
Chez TotalEnergies, la CGT a fait état de 100% de grévistes au dépôt de Flandres (Nord), 80% à la raffinerie de Normandie, 75% des salariés sur le site de Gonfreville (Seine-Maritime), 60% à la bioraffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône), 50% à la raffinerie de Donges (Loire-Atlantique) et 30% sur le site de Grandpuits (Seine-et-Marne), ce dernier, en reconversion, n'expédiant déjà plus de carburants en temps normal. Dans la plupart des raffineries, les expéditions de produits «sont interrompues ce jour», a confirmé le groupe, qui a indiqué qu'il assurait «les approvisionnements» de ses stations-service et clients.
Cité par l’AFP, Thierry Defresne, secrétaire CGT du comité TotalEnergies Europe, a prôné une «généralisation de la grève pour toucher l'économie» et ainsi faire «reculer le gouvernement». Des manifestations communes ont eu lieu avec les salariés des infrastructures portuaires, appelés à faire grève pour 24 heures. Quelques centaines de personnes se sont ainsi rassemblées devant le site pétrochimique de Lavera, à Martigues (Bouches-du-Rhône).
«Honte à vous ! La justice sociale Mme Borne, c'est la retraite à 60 ans», a déclaré au micro Christophe Claret, secrétaire général CGT des ouvriers dockers du Golfe de Fos. «La justice sociale, c'est la retraite à 55 ans pour les métiers pénibles», a-t-il ajouté, alors que quelques pétards étaient lancés, relate l'AFP. Parmi les participants, des dockers, des travailleurs des raffineries, mais aussi des télécoms ou des douanes.
On a besoin de poser les outils
Au port de la Pallice à La Rochelle, 140 dockers étaient en grève, soit 100% des effectifs, selon le délégué syndical CGT. Selon France 3, entre 500 et 600 personnes ont manifesté à Saint-Nazaire, rassemblant là aussi dockers et salariés de l'énergie. «On a besoin de poser les outils parce que quand ça touche l'économie, le gouvernement est obligé de réagir», a fait valoir Fabrice David, secrétaire général de l'union départementale de la CGT de Loire-Atlantique.
A Rouen, premier port céréalier d'Europe, une trentaine de dockers CGT bloquaient l'accès au siège administratif de la société Senalia, opérateur des principaux silos de céréales du port, a constaté l'AFP.
Une baisse de production électrique équivalente à celle d'un réacteur nucléaire
Dans l’énergie, EDF déplorait ainsi à la mi-journée une «perte de puissance disponible» sur son parc hydraulique de 1 560 mégawatts, soit l'équivalent de plus d'un réacteur nucléaire. «Ça grimpe petit à petit, parce que ce sont beaucoup de petites centrales qui s'arrêtent», a expliqué le secrétaire fédéral de la branche Fabrice Coudour, selon lequel plus de 45 piquets de grève ont été installés. Ces baisses de production ou de disponibilité ne devraient pas provoquer de coupures de courant.
Dès le 25 janvier, des coupures sur des parcs éoliens et solaires dans le secteur de Montluçon ont été revendiquées par la CGT, ainsi que dans une zone industrielle à Montauban (Tarn-et-Garonne) dans la matinée du 26. La CGT Energie a aussi revendiqué dans un communiqué la mise à l'arrêt de centrales hydroélectriques des Alpes-Maritimes, précisant que cette action n'avait «aucune incidence pour les usagers» mais qu'elle forçait le pays à importer de l'énergie, montrant ainsi que les électriciens et gaziers sont «capables très régulièrement de se réapproprier leur outil de travail».
Le syndicat souhaite «aller chercher encore plus de grévistes pour le 31 et montrer qu'on maîtrise l'outil de travail», a expliqué Fabrice Coudour, qui avait déjà annoncé d’éventuelles coupures ciblées visant des permanences d’élus macronistes, s’attirant de vives critiques de la part de la majorité. La CGT Energie a aussi confirmé son intention de multiplier des actions à la «Robin des bois», en assurant la gratuité ou en réduisant les factures pour certains usagers, dont les boulangers.
La mobilisation a également concerné la culture, avec un rassemblement devant le Louvre à Paris.
La réforme d'Emmanuel Macron, à laquelle s'oppose une nette majorité de l’opinion, selon plusieurs sondages, conduirait entre autres à la suppression des salariés relevant de régimes spéciaux chez EDF ou Engie (ex-GDF Suez).
Le 31 janvier, à l'appel de tous les syndicats, la grève touchera tous les secteurs, dont l’éducation et les transports. Selon une carte mise en ligne par l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), plus de 200 lieux de rassemblements sont déjà recensés, soit autant que lors de la journée du 19, qui a connu une forte participation, en particulier dans les villes moyennes.