Régis Chamagne, ancien colonel de l’armée de l’air française, s’est exprimé sur la poursuite de l’aide militaire française à l’Ukraine dans le conflit qui l'oppose à la Russie ce 29 décembre, ne mâchant pas ses mots après la visite effectuée la veille à Kiev par le ministre français des Armées Sébastien Lecornu.
Ce dernier a affirmé vouloir répondre aux besoins militaires ukrainiens pour les prochaines semaines, évoquant notamment la livraison de canons Caesar supplémentaires et un «fonds innovant de 200 millions d'euros» pour permettre à l'Ukraine d'acheter directement du matériel auprès d'industriels français, en fonction de ses priorités militaires.
La France est en guerre, par procuration
Interrogé sur les capacités de l'Hexagone à fournir durablement Kiev en matériel, Régis Chamagne a répondu que la France pourrait poursuivre ses livraisons jusqu'à l'épuisement de ses stocks, ce qui pourrait selon lui «arriver assez tôt». «Le stock d'armements est vraiment en-dessous de ce qui serait nécessaire pour s'engager dans un conflit», a-t-il d'ailleurs estimé.
«Ce qui se passe aujourd'hui, c'est que la France est en guerre, par procuration», a-t-il affirmé, pointant le fait que ces livraisons d'armements n'ont pas été validées par l'Assemblée nationale, ce qui est à ses yeux «honteux». De surcroît, l'exécutif n'aurait «aucun courage» en refusant d'assumer «le statut de co-belligérant», mais en livrant en même temps les armes les plus modernes dont dispose la France à Kiev.
D'après l'ancien militaire, cette politique aboutit au fait qu'Emmanuel Macron, tout comme l'ensemble de l'Occident, a perdu «toute crédibilité» aux yeux de la Russie, les récentes déclarations d'Angela Merkel sur les accords de Minsk ayant encore aggravé la situation.
La guerre se terminera quand la Russie aura gagné
Quant au silence relatif dont font preuve les oppositions au sujet de cette fourniture de matériels, Régis Chamagne a mis en cause le «théâtre» de «la politique politicienne» et constaté que de nombreuses lois étaient désormais adoptées grâce au recours à l'article 49.3 de la Constitution, qui permet de mettre un terme aux débats parlementaires. «Nous sommes dans une dictature qui ne porte pas son nom, mais qui est une dictature de fait», a lancé l'ancien colonel.
Enfin, il a estimé que cette aide française serait fournie en vain, ne voyant comme issue au conflit en Ukraine que la victoire de la Russie, plus à même d'assumer un effort militaire sur la durée. «La guerre se terminera quand la Russie aura gagné», a-t-il pronostiqué.
Un classement établi par le Kiel Institute for the World Economy en décembre place la France en 10e position, derrière le Royaume-Uni, la Pologne ou l'Allemagne, pour son soutien militaire à Kiev, assuré surtout par les Etats-Unis depuis le début du conflit en février. Lors d'un débat au Sénat le 5 décembre sur les crédits alloués à l'armée, plusieurs élus se sont inquiétés des prélèvements faits dans les stocks afin de fournir le matériel réclamé par Kiev. «Ce n’est pas la livraison de 18 canons Caesar qui met en danger la nation française», avait alors rassuré Sébastien Lecornu.
Tout en fournissant ces équipements à Kiev, le président Emmanuel Macron a, parallèlement, douté de la perspective de voir l'Ukraine rejoindre les rangs de l'Alliance atlantique, et indiqué qu'il faudrait tenir compte des préoccupations de la Russie dans le cadre de la sortie du conflit.