Les députés de la France insoumise (LFI) Clémentine Autain et François Ruffin, écartés de la «nouvelle coordination» du mouvement emmenée par le député de Marseille Manuel Bompard, ont vertement critiqué le 11 décembre le fonctionnement du mouvement, évoquant respectivement le «repli» et le «rétrécissement» à sa tête. De son côté, la nouvelle direction fait valoir une nécessité de renouvellement du mouvement, et appelle à ne pas dialoguer par médias interposés.
Clémentine Autain et François Ruffin montent au créneau
«Le repli et le verrouillage ont été assumés de façon brutale», a dénoncé la députée de Seine-Saint-Denis dans un entretien publié en «une» de Libération, reprochant à la direction d'avoir été «choisie par cooptation, ce qui favorise les courtisans et contribue à faire taire la critique». Déplorant la «marginalisation de ceux qui ont une parole différente du noyau dirigeant actuel», elle ne voit pas «comment on peut porter la VIe République et assumer un tel fonctionnement». «Il faut démocratiser LFI : une force à vocation majoritaire ne peut être un bloc monolithique», ajoute la députée, qui avait déjà plaidé durant l'été pour une refonte du fonctionnement du mouvement. Clémentine Autain a aussi égratigné, en ciblant explicitement Jean-Luc Mélenchon, la forme des interventions publiques de LFI, en parlant d'un «fracas permanent qui atteint parfois des points Godwin».
Ces déclarations en une du quotidien ont fortement déplu à Jean-Luc Mélenchon : «Toute la une pour nous salir», a-t-il réagi sur la page Facebook de l'élue de Seine-Saint-Denis.
«Je suis un peu triste que plutôt qu’un élargissement, on ait un rétrécissement», a pour sa part déploré sur LCI François Ruffin, élu de la Somme, y voyant le «consensus d’un petit groupe qui s’est mis d’accord avec lui-même». «C’est la moitié de l’équipe qui reste au vestiaire», a-t-il imagé, expliquant avoir été lui-même placé «sur le banc de touche».
Outre ces deux députés, qui ont commencé à évoquer dans différentes interviews l'élection présidentielle de 2027 et la succession de Jean-Luc Mélenchon, de nombreuses voix au sein de LFI ont critiqué le fonctionnement de l'organisation à l'occasion de «l'Assemblée représentative» réunie à Paris le 10 décembre, à l'issue de laquelle la nouvelle «coordination» emmenée par Manuel Bompard a été présentée.
Plusieurs élus de premier plan du mouvement, dont Clémentine Autain et François Ruffin, mais aussi Alexis Corbière et Eric Coquerel, n'auraient pas été conviés à l'événement. Eric Coquerel a ainsi affirmé auprès de l'AFP «découvrir» la désignation de Manuel Bompard à la tête du mouvement, même s'il l'a jugée «naturelle», saluant les talents d'organisation de l'élu de Marseille. «Il serait souhaitable que soit représentée dans la direction toute la nuance du mouvement», a plaidé l'élu de Seine-Saint-Denis, plus modéré dans ses propos que Clémentine Autain qui avait fustigé un message «de nature à fragiliser le rassemblement» qu'elle appelle de ses vœux. «Je n'ai été au courant de rien, aucune info, aucun coup de fil», a par ailleurs pesté un «pilier» du groupe parlementaire cité par l'AFP.
Mélenchon et Bompard défendent le renouvellement des instances de direction
La nouvelle direction de LFI compte 21 membres et a été présentée comme le résultat d'un effort de «renouvellement» par le député du Rhône Gabriel Amard. Elle devrait être secondée par un «conseil politique» plus large, qui permettrait de débattre de la stratégie, et qui serait composé d'élus, de personnalités et de cadres insoumis. Cette instance sans dirigeant et à la fonction consultative n'était pas prévue jusqu'à très récemment, ont témoigné auprès de l'AFP plusieurs députés, qui ont appris son existence cette semaine.
Un problème de riches
Manuel Bompard a de son côté promis des réformes internes afin de «changer la nature du mouvement», en améliorant la coordination entre les groupes d'action locaux (unités de base de LFI), en donnant plus de latitude aux militants locaux ou encore en créant une «école des cadres». Alors que les autres partis de la Nupes ont déjà tenu ou tiennent leurs congrès, Manuel Bompard a indiqué préférer le «consensus» plutôt que les élections pour éviter «l'affrontement entre une majorité et des minorités».
Il a encore rappelé ce 12 décembre sur France Inter que LFI n'était pas un «parti politique traditionnel». «Nous avons des formes de désignation de la direction qui ne sont pas les mêmes que les autres, ça ne veut pas dire qu'elles sont moins collectives», a-t-il fait valoir.
Il a en outre estimé que ce renouvellement permettrait d'«ouvrir» davantage le mouvement en mettant en avant des figures ayant «très récemment» rejoint LFI.
«Que certaines personnes qui souhaitaient être membres de cette direction opérationnelle ne le soient pas, [...] c'est un problème de riches», a également taclé Manuel Bompard en mettant avant les bons résultats électoraux du mouvement, et en assurant ne dire «à personne de se taire». «Si on peut éviter d'étaler ces discussions sur la place publique, c'est mieux», a-t-il cependant ajouté.
Sur son blog, Jean-Luc Mélenchon avait commenté le renouvellement des instances de direction en réfutant toute «faveur du prince» dans le processus et recommandé «l’entente» face «à la montée des dangers». Affirmant que la nouvelle coordination n'a «rien à voir» avec un bureau politique classique, il a aussi critiqué les prises de parole qui rendent «la vie commune impossible par des confidences de presse», et mis en avant le fait que «la forme de la vie du mouvement Insoumis est en évolution permanente». L'ancien candidat à la présidentielle a aussi annoncé qu'il allait co-diriger, avec la députée Clémence Guetté, l'Institut La Boétie, le cercle de réflexion des insoumis, tout en intégrant la fameuse «coordination» du mouvement.