France

Quatre grévistes de RTE placés en garde à vue par la DGSI, la CGT s'insurge

Les salariés du gestionnaire du réseau de transport d'électricité ont été arrêtés le 4 octobre, se voyant reprocher l'arrêt du système de téléguidage des installations pendant une grève. La CGT dénonce une procédure disproportionnée.

La procédure est plutôt rare dans le cadre de conflits sociaux : quatre salariés de RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité en France, ont été placés en garde à vue depuis le 4 octobre dans les locaux de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), a rapporté l’AFP, pour avoir débranché la «téléconduite» de postes électriques lors d'une grève pour l’augmentation des salaires.

Le parquet de Paris a confirmé le placement en garde à vue de quatre employés de RTE travaillant au sein de l’antenne de Valenciennes, dans le cadre d'une enquête de sa section cybercriminalité ouverte fin juillet pour «entrave à un système de traitement de données, sabotage informatique, accès et maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, ainsi que pour introduction, modification et suppression de données d'un tel système», a énuméré le parquet auprès de l’AFP.

Si RTE avait déposé une plainte cet été à la suite de dégradations qui auraient entraîné des coupures de courant, une note aux salariés consultée par l'AFP évoque non pas des dégâts sur les installations mais une «perte de téléconduite», c'est-à-dire que des postes électriques ne pouvaient plus être manœuvrés à distance, par exemple pour être mis hors tension, ce qui a «mis en risque important la sûreté du système électrique».

Une «action symbolique» sans danger pour le réseau et les usagers, selon la CGT

La CGT a diffusé le 5 octobre un communiqué pour dénoncer des «services anti-terroristes utilisés pour faire taire les revendications salariales des agents». Incriminant une «dérive autoritaire de la direction de RTE», le syndicat fait valoir que le «passage en local» de postes électriques «n'a aucune incidence sur la continuité de l'alimentation électrique, ni même sur la sécurité des biens et des personnes». Le procédé correspondrait à une «action symbolique de reprise en main de l'outil de travail, fréquente lors des grèves», ne justifiant en rien l'inculpation de salariés «comme des terroristes».

«C'est un truc de dingue !», s'est exclamé Francis Casanova, délégué syndical central CGT, dénonçant le traitement réservé à «des salariés lambda». Fabien Boucher, délégué syndical de la CGT-RTE du Nord, a expliqué au média Streetpress que la pratique incriminée a un objectif simple : en empêchant le contrôle à distance, le centre de commande se trouve obligé d’envoyer «un technicien pour regarder ce qu’il se passe», ce qui entraîne des déplacements et des heures supplémentaires. «C’est une pratique que l’on fait depuis au moins 30 ans chaque fois qu’il y a un mouvement social et cela n’a aucune incidence sur le réseau électrique. Il n’y a aucun danger pour l’usager», a insisté le syndicaliste.

Toujours selon les syndicalistes, seuls 24 postes sur 369 auraient été passés en local dans le Nord de la France pendant ces actions estivales, et la procédure choisie par le parquet serait donc particulièrement disproportionnée, à cause de cette «grave méprise sur la nature des faits». Francis Casanova a dénoncé «une volonté de réprimer le mouvement social», rappelant que le conflit autour des revalorisations salariales a duré plusieurs mois au sein de RTE, sans que les grévistes obtiennent gain de cause.

Un rassemblement à l'initiative de la CGT est prévu à 14h devant le siège de RTE dans le quartier de La Défense à Paris, afin d'exiger la cessation des poursuites contre les salariés.

L'interpellation des grévistes de l'opérateur est survenue alors qu'un appel à la grève a été lancé par l’intersyndicale (CGT, CFE-CGC, Unsa, CFDT) du parc nucléaire français pour ce 6 octobre, à nouveau autour de revendications salariales. La mobilisation pourrait d'ailleurs mettre à mal le calendrier de redémarrage des réacteurs nucléaires, en partie à l'arrêt pour des opérations de maintenance ou des problèmes de corrosion, à la veille d’un hiver problématique sur le plan énergétique.

Parallèlement, les grèves dans les raffineries françaises de Total et d'ExxonMobil se poursuivent, des pénuries de carburant étant signalées dans environ 12% des stations. La situation est particulièrement dégradée dans les Hauts-de-France, où une station sur trois est à sec.