Entretiens

«L'Etat islamique n'est pas fini»: Maya Khadra décrypte pour RT France la nouvelle stratégie de l'EI

Journaliste indépendante, Maya Khadra analyse pour RT France la nouvelle stratégie de l'Etat islamique après la diffusion d'un entretien d'Abou Bakr al-Baghdadi par l'organe de propagande al-Furquan.

RT France : L'Etat islamique cherche-t-il à mettre en avant sa dimension internationale ?

Maya Khadra (M.K.) : Bien sûr, il y a toujours ce souci chez les islamistes de montrer qu'ils auraient une dimension universaliste. N'oublions pas que l'islamisme est avant tout irrédentiste, il n'admet pas que les frontières existent. L'Oumma musulmane ne considère pas que les Etats et les Etats-nations existent et elle considère que tout terrain, non encore islamisé, devrait être un projet pour l'islam, un projet d'islamisation et surtout un projet de djihad.

RT France : Les soulèvements populaires en Algérie ou au Soudan sont-ils une opportunité pour l'Etat islamique ?

M. K. : Tout à fait, c'est une opportunité. Je vais souligner – c'est un constat très triste pour moi qui viens d'un pays multiculturel et démocratique – l'incompatibilité entre démocratie et islam. C'est pour cela qu'on passe d'un régime de dictature à de l'islamisme, du djihad à la répression militaire ou à la répression des dictatures en place dans le monde arabe. C'est pour cela que le djihad a une certaine forme de légitimité et d'appui populaire très large dans tous ces pays. C'est ce qui fait qu'à chaque fois, l'Etat islamique, al-Qaïda, ou tout groupuscule islamiste, a vraiment un terrain très fertile, très réceptif à toutes leurs idées. Donc l'Etat islamique n'est pas mort, on a bien vu qu'[Abou Bakr] al-Baghdadi [était] vivant.

RT France : La faiblesse de l'Etat islamique sur le terrain peut-elle se traduire par une multiplication des menaces en Occident ?

M. K. : Semer la zizanie et faire des attaques terroristes, c'est quelque chose qui ne demande pas beaucoup de moyens économiques et financiers. Il suffit d'un extrémiste islamiste pour «se faire péter en l'air» excusez-moi le terme, ou bien pour aller terroriser les gens à coups de couteau, ou encore écraser les gens comme à Nice. [Ce sont] des gens qui veulent semer la terreur partout, donc, même s'ils sont affaiblis sur le terrain – on a vu que l'aviation russe, la coalition des alliés, les Américains, les Européens ont vraiment bombardé toutes les dernières enclaves de l'Etat islamique – ce n'est pas fini parce que la menace est très larvée, elle est très insidieuse. Elle s'attaque aux individus et cherche à exercer une certaine forme de prosélytisme auprès d'eux, comme en Europe, aux Etats-Unis, comme un peu partout ; au Sri Lanka, pour attaquer toutes formes de diversité, pour attaquer toutes formes de religion «anti-islam».

L'Etat islamique n'est pas fini, et je trouve que les groupuscules sont d'une certaine manière beaucoup plus forts en Occident qu'en Orient.

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