Le «special one» José Mourinho s'est prêté au jeu de l'interview. Consultant pour RT, il détaille ses missions pour la télévision, à l'occasion de la Coupe du monde 2018 en Russie, mais s'exprime également sur son métier d'entraîneur.
RT : Qu’est-ce qui est le plus difficile dans votre travail d’expert pour la télévision ? Cette activité est-elle très différente de celle d’un entraîneur ?
José Mourinho (J. M.) : A vrai dire, le plus difficile, c’est de me raser tous les matins, parce que normalement ça n’est pas tous les jours.
RT : Que faites-vous pour que votre analyse soit suffisamment claire pour les téléspectateurs ?
J. M. : Il y a beaucoup d’exemples de personnes qui viennent à la télévision après le foot et en parlent comme s’il s’agissait de physique quantique. Pourtant ce n’est pas le cas. Je crois que chacun peut comprendre ce sport dans une certaine mesure. C’est pourquoi j’essaie toujours de me mettre à la place de mes spectateurs, de ne pas recourir à des termes difficiles, d’être objectif. C’est nécessaire pour qu’ils puissent voir le jeu sous un autre jour.
RT : Croyez-vous que les statistiques puissent aider à prédire dans le football ?
J. M. : Je ne les considère certainement pas sous cet angle-là. L’analyse peut, certes, être utile, mais seulement à ceux qui savent bien manier les données. Ainsi, si une équipe a créé 10 occasions de marquer et l’autre seulement deux, il faut évaluer à quel point ces chances étaient réelles ou si tout était fortuit. Les données statistiques en soi ne veulent pratiquement rien dire.
RT : Dejan Stankovic a avoué un jour que le meilleur encouragement qu’il ait jamais entendu avant un match était celui de José Mourinho. Etes-vous fier d’un de vos discours en particulier ?
J. M. : Je pense que, sous ma direction, Dejan a vécu les meilleurs années de sa carrière. L’Inter remportait tout à l’époque. Cela peut être une manière d’évaluer mon travail. S’il fallait choisir un moment, je mentionnerais le match avec le Dinamo de Kiev lors de la saison 2009-2010. L’équipe voulait gagner. En 15 minutes de pause j’ai réussi à remonter le moral des footballeurs. J’étais très émotionnel, je ne parlais pas seulement de la tactique, mais aussi de ce que je ressentais moi-même. Pendant les dernières minutes du temps additionnel nous avons pu marquer le but de la victoire et sortir de la phase de poule de la Ligue des Champions.
RT : Qu’est-ce qui est le plus difficile pour vous : avoir affaire à des superstars au caractère difficile comme Zlatan Ibrahimovic ou essayer de trouver une place sur le terrain pour des sportifs moins talentueux ?
J. M. : Je n’ai jamais eu de problèmes avec des footballeurs «spéciaux», j’ai la même attitude envers tout le monde, indépendamment des compétences qu’ils possèdent. On peut comparer l’entraîneur d’un club à un père pour qui il n’y a pas d’enfants préférés. C’est, autrement, impossible. Je suis persuadé que c’est cette attitude qui permet à des joueurs qui ne sont pas aussi talentueux que d’autres de se rendre compte qu’ils jouent un rôle important sur le terrain.
RT : Parlez-nous de vos principes de sélection. Confiez-vous cette tâche à vos assistants ou préférez-vous voir personnellement les footballeurs ?
J. M. : Bien sûr, j’essaie de tout faire moi-même. Mais le manque de temps est le problème principal. Je n’ai pas la possibilité de voyager beaucoup et de voir beaucoup de matchs pendant la saison.
RT : De quoi discutez-vous avec le joueur auquel s’intéresse le club ?
J. M. : Tout d’abord il faut comprendre si l’athlète peut faire partie de mon plan de jeu. Ses autres qualités passent après si c’est le cas.
RT : On attend toujours des actions fantastiques sur le terrain de footballeurs comme Ronaldo, Messi, Mbappé. Qui pourrait surprendre les amateurs de football lors de cette Coupe du monde ?
J. M. : Je ne dirais pas qu’il faut attendre des surprises des joueurs tout à fait inconnus. Bien sûr, quand un attaquant se distingue lors d’un tournoi aussi important que la Coupe du monde, il est tout de suite au centre de l’attention. Un bon exemple à citer est le but de Negrete marqué d’une reprise de volée acrobatique lors du match contre l’équipe bulgare en 1986. Le Mexicain est devenu une vraie star à l’époque, même s’il n’avait pas montré de résultats exceptionnels auparavant.
RT : Avez-vous retenu le plan tactique du jeu de quelqu’un en particulier ? Peut-on inventer quelque chose de nouveau de ce point de vue ?
J. M. : Je pense que la Coupe du monde n’est pas le meilleur tournoi pour la tactique et de la qualité du jeu. Ce n’est pas grave : les meilleurs équipes du monde sont des clubs dont les entraîneurs ont la possibilité de travailler tous les jours avec leurs joueurs, d’avoir plusieurs matchs par semaine. Le Mondial est un événement international fantastique qui réunit tous les amateurs de football. C’est pourquoi il est peu probable qu’on puisse assister à quelque chose de nouveau.
RT : Que pensez-vous du système d’arbitrage vidéo VAR ?
J. M. : J’aime le fait qu’il permet de faire face à une grave erreur qui surviendrait pendant le match. Cet aspect-là me plaît.
RT : La Coupe du monde est un grand événement, non seulement pour les sportifs, mais aussi pour les fans. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué chez eux ?
J. M. : Pour le moment, tout va très bien. Les gens sont heureux de participer à cette grande fête du football, les organisateurs sont de grands professionnels. J’ai assisté au match Allemagne-Mexique et j’ai vu des gens des deux pays. Ils soutenaient leurs équipes les uns à côté des autres, il n’y avait pas de place pour la haine dans ce stade. C’est le plus important.
RT : Quelles curiosités avez-vous pu visiter à Moscou ? Aimez-vous cette ville ?
J. M. : Je viens ici presque tous les ans. Bien sûr, je me rends principalement sur des sites sportifs, passe par des aéroports et des hôtels. Mais la capitale russe est magnifique. Elle abrite beaucoup d’amateurs de football qui me reconnaissent très souvent et me demandent de prendre une photo avec eux.