Promu dans les semaines suivant l'élection de Donald Trump en 2016 par des médias américains à la recherche d'une explication de la défaite d'Hillary Clinton, le concept de «fake news», à force de répétition, a fini par s'imposer jusqu'en France.
Mais, pour François-Bernard Huygue, directeur de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), le terme est d'emblée mal défini et prête à confusion. «Ce terme de fake news vient d'un terme d'argot américain [...] c'est un mauvais anglicisme dont le sens n'est pas très fixé [...] Ça veut dire une information dont le contenu est faux, mais ça peut être aussi des parodies, des canulars... Ce terme est très flou», note-t-il encore.
Quant au terme de «manipulation de l'information», préféré à celui de «fake news» par le quai d'Orsay pour une table ronde lors de laquelle le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a qualifié la Russie et ses médias d'«organes de propagande», il n'est, selon François-Bernard Huygue, pas plus opérant. «La manipulation de l'information ? Là encore, il faudrait définir le terme. La manipulation, c'est disposer les choses d'une certaine façon pour produire un certain effet [...] Mais alors, un discours électoral [...] est-ce que ce n'est pas de la manipulation ?», s'interroge-t-il.
On voit très bien qu'on va avoir un vrai problème quand il va falloir appliquer cette notion juridiquement
Et le spécialiste de poursuivre : «On voit très bien qu'on va avoir un vrai problème quand il va falloir appliquer cette notion juridiquement, d'autant plus qu'il existe déjà dans la loi française, la loi de 1881 sur la liberté de la presse, un article qui permet de réprimer la diffusion délibérées de nouvelles fausses, dont on sait qu'elles sont fausses. Vous voyez comment on passe d'un terme à l'autre : fake news, fausses nouvelles, bobard, manipulation, désinformation...»
Il y a aussi une question d'efficacité de la répression
Quant à la proposition de la ministre de la Culture et de la Communication, Françoise Nyssen, de poursuivre les diffuseurs plutôt que les auteurs, François-Bernard Huygue l'explique par des considérations de faisabilité. «Il y a aussi une question d'efficacité de la répression : s'en prendre aux auteurs de fausses nouvelles, surtout sur les réseaux sociaux, il y a de fortes chances [...] qu'on ne puisse pas les identifier» estime-t-il, poursuivant : «En revanche le pouvoir politique va demander au pouvoir technique aux plateformes, aux diffuseurs de retirer plus vite des contenus.» Et François-Bernard Huygue de conclure : «Ce qui veut dire que le vrai pouvoir, en réalité appartient à Facebook, à Google, à leurs algorithmes et à leurs équipes de vérification.»