Entretiens

Charles Beigbeder vs. Gérard Filoche : la loi travail en question (VIDEO)

Retour aux tâcherons du XIXe siècle ou libération des énergies : la réforme du Code du travail divise Gérard Filoche, figure de l'opposition à la loi Travail, et Charles Beigbeder, chef d'entreprise. Les deux ne sont d'accord sur presque rien.

Leurs points de vue sont diamétralement opposés, et pour cause. Charles Beigbeder, élu de Paris et chef d'entreprise, est libéral (sur le plan économique), conservateur et proche du Medef, dont il a naguère brigué la présidence. Gérard Filoche, ancien inspecteur du travail, militant à la CGT et fervent opposant à la loi Travail de François Hollande, qu'il considère comme un traître, vient lui de l'extrême-gauche. Co-auteur d'un petit ouvrage paru en août 2017, Décortiquer les ordonnances Macron pour mieux les combattre, sa grille d'analyse est celle de la lutte des classes. Charles Beigbeder, tenant de la rationalité d'un «marché» de l'emploi le moins administré possible, salue sans surprise la réforme du Code du travail d'Emmanuel Macron.

                                               

«C'est plus une diminution de l'incertitude [pour l'employeur] qu'un assouplissement», explique-t-il. «Je suis plus serein, je n'ai pas cette épée de Damoclès», poursuit-il, se plaçant résolument du point de vue d'un employeur, et faisant référence aux indemnités pour licenciement, que la réforme doit plafonner : «Je ne sais pas ce que ça va me coûter [en cas de licenciement d'un employé] ce qui peut ruiner une entreprise et la mettre par terre», argumente-t-il. «Au moins, on saura combien ça coûte», se félicite Charles Beigbeder, faisant valoir que les entreprises pourront désormais provisionner le coût d'éventuels licenciements dans leurs comptes.

Pour autant, Charles Beigbeder se défend de tout angélisme. «Une entreprise ne pense qu'à une seule chose, c'est à se développer et vendre plus ses services, ses produits, ses biens et embaucher prendre des parts de marché», explique-t-il. Et d'ajouter : «Un entrepreneur c'est comme quelqu'un qui fait du vélo, de la bicyclette, s'il arrête de pédaler, elle tombe.»

Gérard Filoche a, lui, une analyse diamétralement opposée. «Le code du travail, ce n'est pas le code des entreprises», rappelle Gérard Filoche, «c'est un code pour protéger les humains qui sont dans une entreprise». L'ex-inspecteur du travail estime même pouvoir dater le début de ce qu'il considère comme un détournement de la finalité du Code du travail. «Le jour où François Hollande a dit : "Nous allons adapter les droits du travail aux besoins des entreprises", en une seule phrase, c'était une hérésie», rapporte-t-il. Et de rappeler, selon lui :  «L'entreprise, c'est un lieu d'exploitation. Le salarié, il vend sa force de travail, l'employeur achète sa force de travail, le salarié cherche à la vendre le plus cher possible, l'employeur à l'acheter le moins cher possible. C'est pour ça qu'il faut des lois». Au risque, prévient Gérard Filoche, de revenir aux «tâcherons» et «loueurs de bras» du XIXe siècle.

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