Jean-Pierre Chevènement, avec ses manières affables et courtoises est néanmoins un adepte du franc-parler. A telle enseigne que, désigné pour être le futur président de la Fondation pour l'islam de France, un poste consensuel, il continue pourtant de susciter la polémique.
En août 2016, il avait provoqué un tollé – médiatique du moins – en invitant les musulmans à la «discrétion dans l'espace public». Et récidivait deux semaines plus tard en évoquant la disparition des Français en banlieue parisienne : «Il y a à Saint-Denis, par exemple, 135 nationalités, mais il y en a une qui a quasiment disparu», déclarait-il, droit dans ses bottes, au micro de France Inter.
Il faut dire que, classé parmi les «souverainistes», un terme qu'il réprouve, parce que recouvrant des courants politiques par trop divers, Jean-Pierre Chevènement a une haute idée de la France et de la République, solutions, selon lui, aux difficultés que traverse le pays.
«La France doit parler au monde»
Pour Jean-Pierre Chevènement, les racines du mal sont identifiables : c'est la globalisation, la mondialisation des échanges et de l'économie, mais aussi des flux humains qui a ébranlé le modèle républicain français.
Et la France se doit de retrouver son rôle dans le monde, car, pour le maire de Belfort, elle porte toujours les idéaux universels des Lumières, de la Révolution et de la République : «La France doit parler au monde» et ne doit pas laisser s'installer une «cogestion» du monde abandonnée à une sorte de «G2», en l'espèce les Etats-Unis et la Chine.
Toutefois, Jean-Pierre Chevènement n'est pas tendre avec la politique étrangère française, et, au-delà, occidentale. Pour lui, la politique de changement de régime en Libye, qu'il met en parallèle avec le renversement de Saddam Hussein en Irak, était une erreur. Dans les deux cas, les interventions occidentales ont laissé des pays sans Etat, livrés à l'anarchie et au chaos. Ouvrant la voie au terrorisme islamiste, comme en Irak, où Al-Qaïda, puis Daesh ont pu prospérer sur les ruines d'Etats autrefois unitaires et stables.
La souveraineté, l'autre nom de la démocratie
Face au spectre de la «guerre civile» qu'il voit se profiler, Jean-Pierre Chevènement prône le retour au peuple de la souveraineté. Afin que les gouvernements retrouvent la confiance, l'Europe doit rendre le pouvoir aux peuples, explique l'ancien ministre, qui voit dans le Brexit un désaveu des institutions européennes et la volonté des Britanniques de reprendre le contrôle de leurs affaires.
Changer l'architecture de l'Union européenne
Jean-Pierre Chevènement propose donc de faire évoluer les institutions européennes. Il faut que la légitimité soit clairement située au niveau du conseil des chefs d'Etat et de gouvernement, argumente-t-il, lesquels sont élus et responsables devant leurs peuples et non pas au niveau de la Commission, composée de technocrates inconnus du peuple qui prennent des décisions très importantes puisqu'ils ont le monopole de la proposition alors que le Parlement européen n'est qu'une chambre d'enregistrement.
Réconcilier les musulmans et la République
L'ex-maire de Belfort dresse le constat d'une «immigration pas intégrée», laquelle constitue un «terreau» pour le terrorisme. Pour l'ancien ministre, un pays au bord de la guerre est une aubaine pour les «adversaires de la France» qui cherchent à en exploiter les faiblesses. Aussi Jean-Pierre Chevènement veut-il établir un pont entre les musulmans et la République.
L'attentat de Nice est un acte de guerre civile
Pour le futur président de la Fondation pour l'islam de France, il faut que la République comprenne mieux les musulmans et réciproquement. Aussi afin d'éviter le piège de la guerre civile, il faut beaucoup de sang froid et de maturité. «Le peuple français en a fait preuve et, jusque-là, n'a pas cédé à l'esprit de surenchère et d'escalade», se félicite-t-il, tout en faisant part de son inquiétude pour la cohésion nationale dans l'avenir.
Le Service national comme outil de cohésion
Pour souder le pays et créer un sentiment d'appartenance, Jean-Pierre Chevènement prône le retour du service national, dans une version plus courte.
Et ce pour les garçons comme pour les filles. Cela permettrait de constituer une réserve et de donner au pays une garde nationale. Mais c'est aussi une façon de cultiver et de promouvoir le patriotisme, que l'homme d'Etat distingue du nationalisme, «maladie» de la nation, et qu'il définit comme la haine de l'autre.
Selon lui, tout le monde prend ou reprend conscience que la nation et le patriotisme sont des concepts qui ne sont pas du tout obsolètes. A gauche, Jean-Pierre Chevènement identifie quelques personnalités politiques à même d'incarner les valeurs du patriotisme et de la Nation citant Manuel Valls et Arnaud Montebourg. Quand à François Hollande, Jean-Pierre Chevènement estime qu'«il arrive que le président , un jour sur deux puisse les défendre ou les incarner, comme au lendemain des attentats par exemple».