Depuis début 2022, s'endetter coûte de plus en plus cher aux Etats, notamment en Europe. En France, l'augmentation des taux sur l'emprunt à 10 ans – qui fait référence – sur la période de janvier à mi-mai n'a jamais été aussi forte depuis 1994. Cela vaut aussi pour l'emprunt à 10 ans allemand ou espagnol.
En France, le taux était proche de zéro en début d'année mais a bondi, pour atteindre désormais 1,5%. La trajectoire est similaire dans tous les pays européens, Allemagne, Italie, Grèce... Dans ce dernier pays, le taux à 10 ans a même franchi récemment les 3,5%. Ainsi, les pays ayant adopté la monnaie unique risquent de devoir débourser des sommes bien plus importantes car, étant très endettés en raison des mesures prises lors de la crise sanitaire, ils souffrent directement de la remontée des taux d'intérêt.
Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau a calculé que pour la France, sur l'emprunt à 10 ans, «chaque point de pourcentage de hausse des taux d'intérêt représent[ait] à terme un coût annuel supplémentaire de près de 40 milliards d'euros, soit presque le budget actuel de la Défense ».
Les analystes de Natixis (groupe Caisse d’épargne et Banque populaire) soulignent pour leur part que, pour que l'endettement reste soutenable, il faut que «les taux d'intérêt à long terme restent nettement inférieurs à la croissance de long terme».
Inquiétude sur le «spread»
La hausse des taux d'intérêt présente aussi le risque d'un déséquilibre pour la zone euro à partir du moment où certains pays, particulièrement endettés, commencent à inquiéter les investisseurs et les marchés. Le souvenir de la crise de la dette qui avait paralysé le continent européen au début de la décennie 2010 est encore présent dans les esprits.
Aussi, les investisseurs surveillent en permanence le «spread», c’est-à-dire l'écart, entre le taux d'intérêt allemand, perçu comme un roc, et celui des autres pays. Il permet de mesurer la confiance des acteurs de marché dans la capacité des pays à rembourser leurs dettes.
Or ce repère inquiète, car l’écart entre les taux allemand et italien a doublé en un an. C'est une préoccupation sérieuse pour la Banque centrale européenne (BCE), car si l'écart s'accroit, elle aura plus de mal à mettre en œuvre une politique monétaire commune qui réponde aux besoins de chaque pays, et toute la cohésion économique de la zone euro sera ainsi remise en cause. En effet, contrairement aux autres banques centrales, la BCE est confrontée à plusieurs marchés distincts de dettes d'Etats.