«J'ai toujours soutenu que l'énergie nucléaire est [sic] l'un des vecteurs de la transition énergétique et, qu'à ce titre, elle ne saurait être exclue de la taxonomie», déclare Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur dans une interview publiée par le Journal du dimanche, le 9 janvier.
Dans le jargon bureaucratique bruxellois, le mot «taxonomie» (ou «taxinomie») désigne la classification des activités relativement à leur impact sur le climat, et un ensemble de mesures fiscales ou budgétaires vouées à «guider et […] mobiliser les investissements privés en faveur des activités nécessaires pour parvenir à la neutralité climatique dans les 30 prochaines années».
Dans cet interview le commissaire européen souligne qu’il a parmi ses attributions «la responsabilité de contribuer à l'objectif fixé par la Commission d'atteindre le "net zéro", c'est-à-dire la neutralité carbone dès 2050». Pour y parvenir, il faut selon lui, «passer à la vitesse supérieure dans la production d'électricité décarbonée en Europe» et «sachant que la demande d'électricité elle-même va doubler en trente ans ! Cela implique des investissements considérables […dans] le nucléaire et les énergies renouvelables».
26% de l'électricité produite dans l'UE
Thierry Breton souligne qu’actuellement 26% de l'électricité produite dans l'Union européenne est d'origine nucléaire (contre près de 70% en France). Se référant à «l'ensemble des experts», et compte tenu du processus de transition engagé, ainsi que du parc de centrales existantes, il estime que le nucléaire représentera au moins 15% de l'ensemble en 2050 et qu’il faudra donc proportionnellement augmenter la production d'énergie nucléaire.
Les centrales nucléaires existantes, à elles seules, nécessiteraient 50 milliards d'euros d'investissements d'ici à 2030, selon le commissaire européen qui évalue à 500 milliards d’euros d'ici à 2050, l’investissement dans les centrales «de nouvelle génération». Il s’agit donc d’un investissement annuel, au niveau européen de 20 milliards d'euros par an.
Pour Thierry Breton : «Inclure le nucléaire dans la taxonomie est donc crucial pour permettre à la filière d'attirer tous les capitaux dont elle aura besoin.»
Le nucléaire : énergie verte ?
Le plaidoyer de Thierry Breton en faveur des investissements dans le nucléaire a pour contexte une controverse sur la pertinence d’inclure le nucléaire dans la catégorie des énergies vertes.
En mars 2020, le groupe d'experts chargés par la Commission européenne de fixer des critères de sélection d’activités vertes éligibles à une fiscalité avantageuse, dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe avait exclu la production d’électricité à partir de gaz et de nucléaire.
Mais le vent a semble-t-il tourné et le 1er janvier 2022, la Commission européenne a fait savoir qu’elle avait entamé «des consultations avec le groupe d'experts des Etats membres […] concernant un projet d'acte délégué complémentaire sur la taxinomie couvrant certaines activités dans les secteurs du gaz et du nucléaire».