Economie

L'UE sous pression pour assouplir des règles qui font voler des avions vides

Au nom de la concurrence, l’exécutif bruxellois impose aux compagnies aériennes d’utiliser leurs créneaux aéroportuaires sous peine de les perdre. Mais avec la pandémie et la chute du trafic aérien, certains avions volent à vide.

Le ministre belge de la Mobilité, Georges Gilkinet, a écrit en début de semaine à la commissaire aux Transports, Adina Valean, pour lui demander de modifier la réglementation sur les créneaux aériens. En temps normal, cette dernière impose aux compagnies aériennes d’utiliser au moins 80% des créneaux de décollage et d'atterrissage qui leur sont attribués dans les aéroports, sous peine de perdre leurs droits la saison suivante. 

Mais son application est devenue problématique en raison de l'effondrement de la demande de billets, conséquence indirecte de la pandémie de coronavirus. Le règlement a certes été suspendu en mars 2020, pour éviter que les compagnies n'opèrent des vols à vide dans le but de conserver leurs créneaux, mais Bruxelles a depuis recommandé un retour progressif à la normale à la suite du redressement partiel du trafic. 

Depuis le 28 mars 2021, les compagnies sont tenues d'utiliser 50% de leurs créneaux de décollage et d'atterrissage pour pouvoir les conserver, un niveau est jugé excessif par le secteur aérien, encore convalescent, notamment après l'apparition du variant Omicron qui a provoqué une nouvelle chute des réservations cet hiver. Or, le 15 décembre, Bruxelles a annoncé que ce seuil serait porté à 64% pour la prochaine saison d'été, du 28 mars au 29 octobre, provoquant la colère des compagnies aériennes. 

«18 000 vols inutiles»

Par exemple, dans une interview au quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung le PDG du groupe Lufthansa, Carsten Spohr, a averti le 23 décembre qu'il serait contraint d'opérer «18 000 vols inutiles» durant l'hiver pour conserver ses droits de décollage et d'atterrissage. «Malgré nos demandes pressantes pour plus de flexibilité, l'UE a approuvé une règle d'utilisation de 50% [...] clairement irréaliste», a pour sa part déclaré à l'AFP un porte-parole de l'Association du transport aérien international (IATA), qui représente la grande majorité des compagnies. 

Cité par l’AFP, Air France, qui déclare n’avoir jamais opéré de vol à vide pour conserver des créneaux horaires et ne prévoit pas de le faire, s'est dit «favorable à une réévaluation de ces règles pour que les compagnies continuent d'assurer des vols uniquement quand la demande le justifie». 

Selon le cabinet du ministre belge, cité par l’AFP, Georges Gilkinet réclame dans son courrier à la Commission un nouvel abaissement de ce seuil, évoquant des circonstances exceptionnelles. De son côté, l’exécutif bruxellois justifie sa fermeté au nom de la concurrence. Et un porte-parole de la Commission a invoqué le 5 janvier «la nécessité de veiller à ce que la capacité aéroportuaire soit utilisée de manière concurrentielle au profit de tous les consommateurs».

Enfin, l'ACI (Airports Council International) a réagi, le 6 janvier, par un communiqué dans lequel cette association représentant les aéroports du Vieux Continent affirme que les compagnies aériennes n'ont aucune raison de faire voler des avions à vide. Disant sa «consternation» face à cette controverse, l’ACI assure que les compagnies aériennes peuvent bénéficier d'exemptions et «sont très bien protégées contre les incertitudes actuelles».