France

Trajets de moins de 2h30 en avion : Bruxelles pourrait retoquer l'obligation de prendre le train

La Commission européenne a annoncé le 15 décembre qu’elle allait examiner la règle française interdisant de prendre l’avion sur les lignes desservies par le train en moins de 2h30, en particulier sa compatibilité avec les textes communautaires.

La fameuse mesure émise par la Convention citoyenne sur le climat qui doit interdire aux voyageurs de prendre l’avion quand il est possible de prendre un train desservant une destination en moins de 2h30 est dans le collimateur de Bruxelles, a rapporté le quotidien économique Les Echos. La Commission européenne a en effet annoncé le 15 décembre qu’elle allait scruter à la loupe une telle disposition et en particulier sa conformité avec les règles européennes.

Cette procédure devrait suspendre l’application de la mesure incriminée. Cette dernière avait notamment conduit Air France à ne plus desservir Bordeaux depuis l’aéroport parisien d’Orly, malgré les quelques 556 000 passagers qui empruntent régulièrement cette ligne selon les chiffres de 2019.

Dans le cas où la Commission européenne déciderait d’une incompatibilité totale, le gouvernement pourrait être contraint de retirer, ou à défaut d’amender le texte, probablement dans le sens de l’Union des aéroports français qui réclament sa modification. L’affaire a d’ailleurs été portée à Bruxelles par plusieurs associations, comme l'association des aéroports européens ACI Europe ou encore le Syndicat des compagnies aériennes autonomes (le Scara).

L’article 145 de la loi climat et résilience se fonde en effet sur l’article 20 du règlement communautaire numéro 1008/2008 qui permet en théorie aux Etats membres de «refuser ou limiter l'exercice des droits de trafic, notamment lorsque d'autres modes de transport fournissent un service satisfaisant [...] lorsqu'il existe des problèmes graves en matière d'environnement».

Toutefois, cette restriction est subordonnée au principe de proportionnalité et d’efficacité. Si l’on se penche sur les émissions de CO2 des lignes concernées par la loi –  Bordeaux/Orly, Lyon/Orly, Nantes/Orly et Marseille/Lyon –, celles-ci ne représentent que 55 000 tonnes de CO2, soit 0,23% des émissions totales du transport aérien en France et 0,04% du secteur des transports, ou encore 0,23% des émissions totales de CO2 en France.

Les dispositions européennes ne peuvent en outre autoriser de telles restrictions que de façon temporaire. Quand elles ont pour but de résoudre un problème grave lié à l’environnement, cela ne peut pas excéder trois ans, tandis que l’interdiction portée par la loi climat et résilience est illimitée.

Une incompatibilité déjà évoquée par le Conseil d'Etat en février 2021

Pourtant, le Conseil d’Etat avait déjà lui-même relevé une possible incompatibilité dans un avis rendu en février dernier : «L'article 20 [...] semble avoir été conçu afin de permettre aux Etats de faire face à des problèmes graves d'environnement présentant un caractère local et temporaire, ce qui n'est pas le cas des émissions de gaz à effets de serre.»

Il est fort à parier que la Commission européenne demande à la France de revoir l’article 145 du texte de loi, et d’autres éventuelles substitutions imposées sur le mode de transport à choisir pour se rendre à une destination. Cela ne garantirait cependant pas une reprise de la ligne Orly/Bordeaux. Comme le rappellent Les Echos, l’Etat reste l’actionnaire principal d’Air France, tandis que d’autres compagnies comme Easy Jet bénéficient d’aides à l’activité partielle.