Le président du Salvador, Nayib Bukele, a répondu aux critiques de différentes organisations financières internationales après que son pays a fait du bitcoin une monnaie légale, à côté du dollar qui a remplacé la monnaie nationale, le colon, il y a 20 ans.
«Ce que les organisations internationales ont appelé "l'expérience du bitcoin" n'est rien de plus que le monde observant comment l'adoption massive change l'économie d'un pays», a écrit en anglais le président salvadorien le 23 décembre sur son compte Twitter. Et d'ajouter que si tout se passe bien, «c'en sera fini de la monnaie fiduciaire». «Le Salvador est l'étincelle qui enflamme la vraie révolution», a conclu le dirigeant, âgé de 40 ans.
Le 7 septembre, malgré les protestations et les avertissements du Fonds monétaire international (FMI), le Salvador est devenu le premier pays au monde à adopter le bitcoin comme monnaie légale. Le chef de l'Etat, à l'origine de la réforme monétaire, assure que cela permettra un meilleur accès de la population aux services bancaires et permettra d'économiser 400 millions de frais bancaires sur les envois d'argent au pays par les émigrés. Ces transferts d'argent depuis l'étranger, notamment par la diaspora installée aux Etats-Unis, représentent 22% du PIB du Salvador.
Les principales préoccupations des organisations internationales portent quant à elles sur le caractère spéculatif de la cryptomonnaie, ainsi que son fonctionnement en dehors des réglementations internationales, qui peuvent exposer le pays à des opérations telles que le blanchiment d'argent ou à la fraude fiscale. A cet égard, la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) a souligné que son Groupe d'action financière (GAFI), qui supervise le blanchiment d'argent, a mis le Salvador sous les projecteurs.
Après de premiers commentaires hostiles en juin, le FMI a réitéré sa position fin novembre en déconseillant l'utilisation généralisée du bitcoin, arguant que «son utilisation comme monnaie légale comporte des risques importants pour la protection des consommateurs, l'intégrité financière et la stabilité financière». Quelques jours plus tard, le gouverneur de la Banque d'Angleterre, Andrew Bailey, a exprimé à son tour son inquiétude face à la décision du gouvernement du pays d'Amérique centrale car il estime que tous les Salvadoriens «ne comprennent pas la nature et la volatilité de la monnaie qu'ils possèdent». La Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement (BID) ont également exprimé leur scepticisme et mis en garde le Salvador sur les risques de l'opération.
Toujours est-il que selon le FMI, le PIB du pays devrait progresser de 10% en 2021 et de 3,2% l'année suivante.
Un président populaire
Malgré sa personnalité quelque peu originale et frontale, le président Nayib Bukele est très populaire dans son pays où une forte majorité de Salvadoriens approuve son gouvernement. Les controverses sur sa politique, les récentes sanctions américaines contre son cabinet, et ses biographies Twitter se présentant lui-même tantôt comme «dictateur» tantôt comme «PDG du Salvador» ne semblent pas avoir entamé sa popularité.
Selon un sondage de l'unité d'enquête du journal local La Prensa publié le 15 décembre, 85,1% des personnes interrogées approuvent fortement ou quelque peu Nayib Bukele, rapporte Reuters. Des groupes d'opposition dans le pays et à la Maison Blanche ont durement critiqué le président salvadorien pour son style de gouvernement offensif, et notamment le limogeage en mai de juges de la Cour suprême, ainsi que du procureur général. Washington a d'ailleurs sanctionné début décembre des membres du cabinet de Bukele pour des liens présumés avec des affaires de corruption et des soupçons de négociations avec des gangs.
Quelques jours après l'annonce de ces sanctions américaines, des milliers de personnes ont manifesté le 12 décembre à San Salvador contre la corruption et ce qu'ils considèrent comme une dérive autoritaire dans le pays. «Les contribuables américains devraient savoir que leur gouvernement utilise leur argent pour financer des mouvements communistes contre un gouvernement démocratiquement élu [...] au Salvador», a écrit Nayib Bukele sur Twitter après la manifestation.
Le président salvadorien, au pouvoir depuis 2019, a bousculé les partis traditionnels qui dominaient la politique salvadorienne depuis 30 ans.