Economie

Gifle pour le gouvernement : le Conseil d’Etat suspend la réforme de l’assurance chômage

La plus haute juridiction administrative française suspend l’entrée en vigueur des nouvelles règles d’indemnisation des chômeurs. Dans son ordonnance elle souligne à mots couverts la différence de traitement entre salariés et employeurs.

La juge des référés du Conseil d’Etat a suspendu les règles de calcul du montant de l’allocation chômage qui devaient entrer en vigueur le 1er juillet. Dans un communiqué publié ce 22 juin sur son site internet, la juridiction administrative suprême explique : «Les incertitudes sur la situation économique ne permettent pas de mettre en place, à cette date [1er juillet], ces nouvelles règles qui sont censées favoriser la stabilité de l’emploi en rendant moins favorable l’indemnisation du chômage des salariés ayant alterné contrats courts et inactivité.»

Le Conseil d’Etat précise que de nombreuses incertitudes subsistent quant à l’évolution de la crise sanitaire et ses conséquences économiques sur la situation des entreprises qui recourent largement aux contrats courts et observe que «ces nouvelles règles de calcul des allocations chômage pénaliseront de manière significative les salariés de ces secteurs, qui subissent plus qu’ils ne choisissent l’alternance entre périodes de travail et périodes d’inactivité».

En outre, le Conseil d’Etat souligne la différence de traitement entre les entreprises recourant aux contrats courts et leurs employés pour justifier sa décision : «Alors que la réforme prévoit de différer au 1er septembre 2022 la mise en œuvre du système de bonus-malus pour les cotisations dues par les employeurs, […] les nouvelles règles de calcul pour les salariés s’appliquent dès le 1er juillet prochain.»

Reçue sur France Info, le 16 juin, la ministre du Travail Elisabeth Borne avait pourtant avancé que l’objectif de la réforme de l’assurance chômage, était de lutter contre la précarité de l’emploi, mais pour atteindre cet objectif le décret prévoyait de réduire l’indemnisation mensuelle des demandeurs d’emploi, sans aucune contrainte pour les entreprises pratiquant les contrats-courts.

Jugement quant au fond «d’ici quelques mois»

A ce stade, c’est seulement sur le calendrier de la réforme controversée que s’est prononcé le Conseil d’Etat, saisi en urgence par sept syndicats (CFDT, CGT, FO, UNSA, FSU, CFE-CGC et l’Union syndicale solidaire). Les recours quant au «fond» seront jugés «d’ici quelques mois», selon les termes  du communiqué publié par la juridiction administrative.

Citée par l’AFP, la ministre du Travail Elisabeth Borne a réagi en déclarant : «On a des dispositions à prendre pour ce qui se passe au 1er juillet et on va regarder précisément comment on intègre les observations du Conseil d'Etat.» Mais elle a aussi annoncé l’intention du gouvernement d’«agir pour permettre une application la plus rapide [possible] de la réforme».

«C'est une victoire pour les demandeurs d'emploi, qui auraient été durement sanctionnés par cette réforme», a pour sa part tweeté le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger. Cités par l’AFP, Michel Beaugas (FO) a vu dans la décision du Conseil d’Etar «un nouveau revers pour le gouvernement», tandis que Laurent Escure (Unsa) a salué « une bonne nouvelle pour les travailleurs» et que Solidaires relève «une défaite pour ce gouvernement antisocial».

Mais la décision de la plus haute juridiction administrative est aussi un revers pour la CFTC, seule grande centrale syndicale à ne pas s’être associée au recours contre l’Assurance chômage, au motif qu’elle n’y voyait pas de fondement juridique. Malgré cela, le syndicat «constructif» a lui aussi salué sur Twitter la suspension de l'application des nouvelles règles de calcul en écrivant : «Tant mieux pour les demandeurs d'emploi qui gagnent ainsi un peu de répit !»

Selon une évaluation de l'Unédic – l’organisme qui gère l’Assurance chômage – réalisée au printemps, jusqu’à 1,15 million de personnes ouvrant des droits dans l'année suivant le 1er juillet auraient touché une allocation mensuelle plus faible de 17% en moyenne, avec toutefois une «durée théorique d'indemnisation» allongée à 14 mois en moyenne contre 11 avant la réforme.