Porto, la deuxième ville du Portugal, a connu un week-end inhabituellement animé : en plus d’un sommet social européen perturbé par des milliers de manifestants, elle a accueilli un sommet Union européenne (UE) – Inde, dans un format imprévu. En effet, le tandem constitué par la présidente de la Commission Ursula von der Leyen et du président du Conseil Charles Michel a pu faire le déplacement, tandis que le Premier ministre indien, excusé par l’emballement de l’épidémie qui a fait dans son pays plus de 230 000 morts selon les chiffres officiels, n’a participé qu’à des visioconférences.
En plus de la relance de leurs négociations pour un accord de libre-échange, interrompues il y a sept ans, et d’un accord sur la protection des indications d’origine géographique, l’Inde et l’UE sont convenues de la mise en place d’un Partenariat pour la Connectivité global et durable.
Il s’agit, selon les mots de Charles Michel, cité sur le site du Conseil européen, d’«un projet majeur qui favorisera des infrastructures de haut niveau pour une croissance économique durable et résiliente, et favorisera les échanges entre [les] populations ».
Décrit dans un document de quatre pages divisé en 38 points sans aucun objectif chiffré, ce partenariat envisage la notion de connectivité selon quatre axes : l’information digitale, les transports, l’énergie et les relations interpersonnelles.
Pour illustrer ce qui au premier regard ressemble à une déclaration de principe, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) a mis en ligne une liste d’exemples de projets de coopération.
Erasmus et villes connectées
On y trouve pêle-mêle, dans le domaine de l’information digitale, le projet de ville connectée «Varanasi (Bénarès) Smart City» mis en œuvre par EFKON India, filiale de Strabag, le plus grand groupe de construction autrichien. Le document cite également des échanges entre les écoles d’ingénieurs de Toulouse et de Bordeaux et l’Institut supérieur de technologie d’Hyderabad. Dans le domaine de la «connectivité entre les personnes», le SEAE met en avant, dans le cadre d’Erasmus+, la venue en Europe de 2800 étudiants ou chercheurs indiens et celle de 1400 Européens en Inde entre 2014 et 2020.
Des projets importants dans le domaine du transport d’énergie sont également cités comme les Couloirs d’énergie verte (Green Energy Corridors) soit la construction de 7 700 kilomètres de nouvelles lignes, et 165 transformateurs pour l’interconnexion entre des flux d’énergie dite «verte» (solaire et éolien) et traditionnelle, pour un montant total de 1,7 milliards d’euros, financés à hauteur de 500 millions d’euros par la banque semi-publique d’investissement allemande KfW.
Enfin, dans le domaine des transports, le document évoque la construction de lignes de métro dans sept villes indiennes dont Bombay et Bangalore, la Silicon Valley indienne, avec la participation d’entreprises allemandes, françaises et italiennes.
L'Inde a choisi d'investir davantage dans sa relation avec l'UE à cause de la Chine et du Brexit qui oblige New Delhi à ne plus considérer Londres comme son unique entrée dans l'UE
«L'Inde a choisi d'investir davantage dans sa relation avec l'UE à cause de la Chine et du Brexit qui oblige New Delhi à ne plus considérer Londres comme son unique entrée dans l'UE», a commenté le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell cité par l’AFP. Ce Partenariat pour la Connectivité est le deuxième du genre après celui conclu en 2019 avec le Japon. Il est perçu comme la réponse européenne au gigantesque projet d’infrastructure chinois connu sous le nom international de Belt and Road Initiative (BRI) généralement traduit en français par «Nouvelle route de la soie» ou littéralement «Initiative ceinture et route».
Toutefois, un haut fonctionnaire européen cité par l’AFP à l’occasion du sommet UE-Inde a expliqué que la décision de relancer la coopération ne voulait pas dire que l'UE et l'Inde allaient «constituer un bloc entre les Etats-Unis et la Chine».
L’Inde, avec 1,37 milliards d’habitants, est quatre fois plus peuplée que l’Europe à 27 (447,7 millions selon les données d'Eurostat). En 2019, le commerce de biens et services entre les deux ensembles (hors Royaume-Uni), en croissance de 50% depuis 2010, s’est élevé à 110 milliards d’euros. A titre de comparaison, il a dépassé la même année 200 milliards d’euros avec la Russie et 560 milliards d’euros avec la Chine.