«Oublions Hercule et construisons ensemble le grand EDF», déclare Bruno Le Maire, dans une interview publiée ce 23 avril dans le quotidien Ouest-France. Le ministre de l’Economie et des Finances, qui rencontre les organisations syndicales depuis le 18 avril au sujet de son projet de réorganisation de l’énergéticien national, ajoute que ce «projet ambitieux tiendra compte de leurs propositions».
Selon un document de l'Etat transmis aux syndicats, la réorganisation reposerait désormais sur EDF SA, une entité détenue à 100% par l'Etat et regroupant la production nucléaire et thermique en France, les services d'ingénierie et les fonctions centrales. Elle resterait la société tête de groupe et ne serait plus cotée en Bourse.
L'ensemble des activités hydro-électriques du groupe seraient rassemblées dans une première filiale, détenue à 100% par EDF SA. Une deuxième filiale «contrôlée très majoritairement par EDF SA» serait consacrée essentiellement au développement des activités renouvelables et aux réseaux de distribution (Enedis). «Nous avons des lignes rouges... Nous ne démantèlerons pas EDF», ajoute Bruno Le Maire en évoquant les discussions avec la Commission européenne sur «l’unité» d’EDF.
«L'unité, c'est aussi la possibilité d’avoir des flux financiers entre les différentes entités du grand EDF : le nucléaire, les énergies renouvelables ou les réseaux», explique le ministre. Une pierre d’achoppement car Bruxelles considère que ces flux reviendraient à subventionner des activités concurrentielles grâce au produit d’activités régulées.
Tous nos partenaires européens doivent comprendre que le nucléaire fait partie des éléments essentiels de la compétitivité et de la souveraineté française
Bruno Le Maire évoque aussi les tentatives de la France auprès de la Commission européenne pour faire reconnaître l’énergie nucléaire comme «une énergie décarbonée, éligible au financement vert européen». Il ajoute : «Tous nos partenaires européens doivent comprendre que le nucléaire fait partie des éléments essentiels de la compétitivité et de la souveraineté française, mais aussi de la souveraineté énergétique européenne. L’Europe n’atteindra pas l’objectif de neutralité carbone en 2050 sans le nucléaire.»
«Nono le robot privatiseur»
Enfin, Bruno Le Maire défend le projet de réorganisation en arguant qu’EDF «doit pouvoir réinvestir dans le nucléaire et se développer sur les énergies renouvelables à un rythme beaucoup plus rapide» et que cette transformation «doit aussi […] permettre de garantir des tarifs stables pour protéger les ménages français et les entreprises du risque de fluctuation des prix énergétiques».
Mais le ministre n’a semble-t-il pas convaincu les syndicats maison qui avaient répondu dès le 19 avril par une lettre de trois pages, co-signée par des parlementaires d’opposition, dans laquelle ils écrivent : «Nous ne sommes pas dupes du changement de nom qui consisterait sur la forme à ne plus intituler ce projet Hercule. En effet, ses contours restent inchangés malgré des rencontres où les organisations syndicales comme les députés ont pourtant porté des questions majeures restées sans réponse.» Plus loin les signataires dénoncent le risque d’une «concurrence stérile et contreproductive au sein même du groupe EDF» et celui de «voir s’alourdir plus vite la facture énergétique des citoyens».
Le Sénateur PCF de Seine-Saint-Denis Fabien Gay a quant à lui ironisée sur son compte twitter en souhaitant la «bienvenue à Ulysse avec Nono le robot privatiseur», tandis que Sébastien Jumel, député du même parti, publiait la lettre co-signé par les organisations syndicales représentées chez EDF et des représentants de la plupart des groupes d’opposition parlementaire (EELV, LFI, LR, LT, PCF, PS).
En début de matinée, l’action EDF baissait de plus de 3% pour s’établir en dessous de 11,5 euros, soit à peine plus du tiers de sa valeur lors de son introduction en Bourse en novembre 2005. L’énergéticien national dont le résultat net a chuté en 2020 à 1,6 milliards d’euros après 5,2 milliards en 2019 (une année il est vrai exceptionnelle) cumule une dette de 42 milliards d’euros. Une somme appelée à exploser dans les prochaines années en raison de la nécessité de renouveler le parc de centrales nucléaires ou de financer des alternatives à même de couvrir les besoins énergétiques du pays.